Le Petit Braquet
 
Chronique n° 45 - Annie Cohen Kopchovsky
 
 

Anne Cohen Kopchovsky

 

Coup de chapeau à

 

Annie Cohen-Kopchovscky

 

Anne Cohen Kopchovsky

 

Coup de chapeau à Annie Cohen Kopchovsky

La bicyclette fut sans conteste une des inventions majeures du 19ème siècle. On ne mesure pas aujourd'hui’hui quel progrès ce fut pour l’homme de pouvoir enfin se déplacer sans l’aide d’un animal ou d’un engin mécanique et d’avoir, enfin, la liberté d’aller où bon lui semble. Pour les femmes engoncées dans des corsets et cantonnées à des taches domestiques l’arrivée du grand bi puis de la safety bike présenta une opportunité de liberté plus grande encore. Se déplacer seule et pouvoir aller où l’on souhaite sans être tributaire des autres fit goûter aux femmes un sentiment d’indépendance et de liberté que beaucoup ne soupçonnait probablement pas. Dire que la bicyclette fut véritablement une invention qui participa à l’émancipation des femmes n’est pas une vue de l’esprit. D’Hélène Dutrieu à Alfonsina Strada (voir les chroniques qui leur furent consacrées), elles furent nombreuses à emprunter la route tracée par Annie Cohen Kopchovsky en 1894.

 

 

Durant les années 1890, aux Etats-Unis, la bicyclette connaît un succès phénoménal, les fabriques se multiplient, les clubs se développent ainsi que les magasins de cycles. Comme les frères Farman en France, d’autres futurs grands aviateurs, les frères Oscar et Wilbur Wright s’intéressèrent de près à la bicyclette. Ils possédaient une boutique de cycles à Dayton et ils s’inspirèrent de la technologie développée dans l’industrie du cycle pour la construction de leurs premiers avions. La bicyclette met les hommes sur un pied d’égalité, elle ne connaît pas de distinction de classe, elle est à la portée de tous. Riches et pauvres ont la possibilité de jouir de l'exercice populaire et sain de cette géniale invention.

The New Woman, (la femme nouvelle) était le terme utilisé pour décrire la femme moderne, celle qui a osé rompre avec les conventions, en travaillant en dehors de la maison, ou qui a évité le rôle traditionnel d'épouse et de mère. Celles qui étaient devenues politiquement actives dans des mouvements comme celui des suffragettes étaient très mal considérées par une frange importante de la société. Elles se considéraient comme l'égal des hommes et la bicyclette par l’autonomie qu’elle apportait, a aidé ces femmes à s'affirmer.
Avec elle, les femmes ont gagné la mobilité physique et surtout elles ont élargi leurs horizons au-delà des quartiers dans lesquels elles vivaient. Elles ont découvert un nouveau sentiment lié à la liberté de mouvement. L’époque victorienne avec ses vêtements contraignants comme les corsets, les jupes portées sur un cerceau ou les jupons, les chemises à manches longues munies d’un col haut, perturbaient les mouvements du corps. Ces tenues avaient pour objectif de masquer le corps et ses mouvements. Rien dans l’attitude des femmes ne devait s’apparenter à de la lascivité ou de la luxure.

En 1896, environ 25 à 30 % des bicyclettes achetées, sont utilisées par des femmes et la célèbre féministe Susan B. Anthony pouvait à juste titre déclarer au New York World le 2 février 1896 : “Let me tell you what I think of bicycling. I think it has done more to emancipate women than anything else in the world. It gives women a feeling of freedom and self-reliance. I stand and rejoice every time I see a woman ride by on a wheel…the picture of free, untrammeled womanhood.”

(Laissez moi vous dire ce que je pense de la bicyclette. Je pense qu'elle a fait plus pour émanciper les femmes que toute autre chose dans le monde. Elle donne aux femmes un sentiment de liberté et d'autonomie. Je soutiens et je me réjouis chaque fois que je vois une femme en promenade sur une bicyclette ... l'image de la liberté, de la féminité sans entraves).

La pratique de la bicyclette a fait avancer la condition féminine d’un point de vue très pratique car ces tenues Victorieuses ne permettaient pas aux femmes d’utiliser dans de bonnes conditions une machine. Bien que la culotte soit apparue quelques décennies plus tôt, c’est un véritable combat que menèrent les féministes pour obtenir que les femmes puissent utiliser le bloomers, sorte de pantalon baggy, dans leur pratique de la bicyclette. Ce changement vestimentaire n’est pas anodin, comme on pourrait le penser de prime abord, en effet il engendra après de longues batailles une modification de la perception populaire de la condition féminine.

Extrait de “the social side of bicycling”

Cela ne se fit pas du jour au lendemain, bien au contraire. En effet nombreux étaient ceux qui pensaient que le vélo était néfaste pour le sexe faible. Les questions posées alors étaient nombreuses et totalement ridicules : les femmes peuvent elles faire de la bicyclette ? Avec qui ? Avec quels vêtements ? Peuvent elles faire des courses ? Pire encore, dans l’esprit moralisateur et coincé de certains germait l’idée que la jeune femme à bicyclette pouvait se dérober à la surveillance de ses parents et partager des moments d’intimité avec l’élu de son cœur. Beaucoup d’hommes étaient convaincus que la bicyclette présentait une menace pour la santé physique et mentale des femmes. Leurs cheveux, leur teint, la féminité, les familles, la moralité et pire que tout, leur réputation était en cause. On a fait valoir que «le cyclisme chauffe le sang ... et est un perturbateur des organes internes. La faiblesse perçue de l'organisme féminin est le lien sur lequel se rejoignent ces arguments. De nombreux médecins ont mis leurs soit disant compétences en avant pour affirmer que le vélo provoquait l’impudeur des femmes et surtout qu’il pouvait stimuler leur sexualité ce qui dans une société machiste et puritaine n’était absolument pas acceptable. On pensait que chevaucher une selle ainsi que les mouvements des jambes nécessaires à la propulsion d'une bicyclette conduisaient à l'éveil des sens féminins. Très vite virent le jour, des selles «hygiéniques» avec un rembourrage afin que les organes génitaux de la femme aient un contact moins vif et direct avec le relief du terrain. Guidon rentrant, positionné très près par rapport à la selle sont également des positions conseillées pour diminuer le risque d'une stimulation sexuelle.

La France connaît à peu près les mêmes débats mais les choses semblent avoir avancées plus vite sur le vieux continent. Dès 1868, il semblerait que des compétitions avaient été ouvertes aux femmes et en 25 ans les mentalités avaient déjà profondément évoluées, si l’on en croit les propos de l’éditorialiste, Jacques Mauprat, dans l’édition du journal «Le Progrès » datée du 21 avril 1895 : « Oui, la faible femme a fait ses preuves sur la bicyclette. Elle est arrivée à des performances très satisfaisantes ; et cela non seulement sans préjudice pour sa santé… Cette introduction de la femme dans le monde du sport est une révélation pour elle et sera presque la source d'une révolution dans les moeurs de la société, en commençant par le costume et en finissant par la régénération de bien des qualités perdues par l'inactivité musculaire. »

C’est finalement, Annie Cohen Kopchovsky, une jeune femme juive de 23 ans, mère de trois enfants, que rien ne prédisposait au féminisme qui allait avec sa bicyclette faire avancer fortement la condition féminine aux Etats-Unis. Fille d’émigrants juifs originaires de Riga en Lettonie, elle arriva avec sa famille à Boston au milieu des années 70. De sa jeunesse, nous ne savons rien, pas plus que nous connaissons sa date et son lieu de naissance. Selon les recherches menées par Peter Zheutlin, à qui cet article doit beaucoup, et qui est l’arrière petit neveu d’Annie, elle aurait été mariée dès l'âge de 18 ans. En 1894, au moment de son départ elle exerçait un emploi de commerciale et elle vendait des encarts de publicités pour plusieurs journaux de Boston. Son mari, Max, était un Juif pieux qui était colporteur.

Le 25 juin 1894, à Boston devant les marches du palais du gouvernement de l’Etat du Massachusetts, Annie Cohen Kopchovsky, sans un cent en poche, avec pour tout bagage quelques vêtements de rechange et un revolver à manche de nacre, déclara devant une foule d’environ 500 personnes venues l’encourager, qu’elle partait faire le tour du monde sur sa bicyclette. A l’origine de ce projet qui paraissait totalement fou à nombre de ses contemporains, il y a une raison simple et purement financière. Annie aurait parié 20,000 $ contre 10,000 $ qu'une femme pouvait voyager autour du monde à vélo. Une autre clause du pari prévoyait qu’elle devait gagner 5000 dollars au cours de son périple. Ce n’était finalement pas les capacités physiques de la femme qui devaient être évaluées mais plutôt son aptitude à se débrouiller seule aux USA et surtout en terre étrangère. Pourquoi Annie qui apparemment ne pratiquait pas ou très peu la bicyclette a-t-elle été choisie cela demeure un véritable mystère. Comment, dans une Amérique très puritaine, une jeune mère de trois bambins âgés de 5, 3 et 2 ans pouvait elle partir seule à travers le monde sans s’attirer la désapprobation générale de la population américaine. Il s’agit là d’un point très important qui montre que l’on a bien affaire à une très forte personnalité capable de résister à une forte pression et cela montre clairement qu’Annie bénéficiait également d’un soutien sans faille de son mari, de sa famille qui ont accepté de prendre en charge les enfants durant les 15 mois que dura le périple. Cela paraît malgré tout insuffisant et peut être faut il chercher du coté du sponsor l’appui nécessaire à cette entreprise. Visiblement Annie avait la volonté de découvrir le monde et d’échapper un temps à sa condition de femme au foyer. Au début de cette aventure, elle espérait simplement que son exploit à bicyclette serait le sésame de la renommée et de la fortune et en choisissant une solution radicale : l’abandon de son mari et de ses enfants, elle ne pouvait qu’épouser la cause féministe et en devenir le porte drapeau.

Très vite pourtant on s’aperçoit que ceux qui ont fait ce choix ne se sont pas trompés, Annie se révélant rusée, débrouillarde et surtout excellente communicante, créant avec une apparente facilité son propre mythe. Les compétences développées lors de son expérience professionnelle ainsi qu’une aptitude naturelle à s’exprimer et à se vendre furent probablement ses principaux atouts tout au long de cette histoire. Payée 100 dollars pour apposer sur son vélo un panonceau publicitaire pour « the Londonderry Lithia Spring Water Company » (marque d’eau minérale basée à Nashua) elle accepta même d’utiliser ce nom d’emprunt, probablement pour quelques dollars de plus, et devint le temps du périple Annie Londonderry. Il convient ici de replacer les éléments dans leur contexte. La fin du 19ème siècle marque l’apogée de la popularité de la bicyclette qui bientôt sera supplantée par d’autres inventions : auto, moto, avion qui accélérèrent encore la capacité de se déplacer des individus. Annie profita de cette aura de la bicyclette tout comme elle profitera du goût de plus en plus prononcé de ses compatriotes pour la découverte du monde. Enfin, symbole du mouvement féministe, elle bénéficia, à priori de la sympathie d’une grande partie de la gente féminine. Ces trois facteurs contribuèrent fortement à l’immense écho que rencontra le périple d’Annie Londonderry.

 

 

 

 

This advertisement for the Londonderry Lithia Springs Water Company appeared in the Rocky Mountain News of Denver on August 12, 1895.
Peter Zheutlin : Around the world on two wheels

 

Comme pour beaucoup d’autres aventuriers à bicyclette de l’époque, la référence au « tour du monde en 80 jours » de Philéas Fog imagé par Jules Verne en 1873 est certaine. Comme dans le cas d’Edouard de Perrodil (voir le coup de chapeau qui lui est consacré), d’Herbert Duncan ou de Charles Terront, ces parcours exploratoires, qui n’ont pourtant rien d’une compétition deviennent malgré tout, des raids et des exploits sportifs. La mise en avant d’un temps que l’on raccourci au maximum ainsi que l’utilisation de la presse comme relais de l’information changent complètement le caractère de ces voyages.

Annie débuta son périple de Boston et elle mit d’abord le cap sur New York sur sa machine de marque Columbia, pesant environ 20 kilos. Partie en robe longue et sur un vélo de femme, Annie opta, dès son arrivée dans la grosse pomme, pour une tenue plus adéquate au pédalage sur de longues distances : bloomers et bicyclette masculine. Sa bicyclette Columbia avait un pignon fixe et était très pénible à piloter c’est pourquoi en même temps qu’elle changea de tenue, Annie acquis un modèle homme de la marque anglaise Sterling, plus léger et maniable mais qui contrairement au modèle Columbia ne possédait pas de frein…

Pour gagner l’argent prévu, elle transforma si l’on en croit ce qu’elle raconta à son retour, régulièrement son vélo et son corps en panneau d’affichage publicitaire.

De New York Annie prit la direction de Chicago qu’elle rejoignit au début de l’automne. Se rendant compte qu'il était trop tard pour traverser les montagnes à l'ouest avant l'hiver, elle fit demi tour et revint à New York. Elle s'embarqua pour le Havre, qu’elle atteignit en novembre 1894. Du Havre, elle prit la direction de Paris avant de rouler vers le sud jusqu'à Marseille, où elle s’embarqua à bord d’un bateau à vapeur le "Sydney" en janvier 1895.
Alexandrie, Colombo, Singapore, Saigon, Hong-Kong, Shanghai, Nagasaki furent les étapes suivantes de son périple si l’on en croît ses déclarations. (voir carte)

Selon Peter Zheutlin, Annie Londonderry, qui était parfois surnommée the "globe-girdler," était partie depuis sept mois lorsqu’elle arriva à Marseille où elle fût accueillie en véritable héroïne. Une semaine plus tard quand elle s’embarqua pour l’Egypte c’est selon lui plus d’un millier de personnes qui se regroupèrent sur les quais pour assister à son départ. Un journal local aurait même déclaré qu’elle avait « capturé le cœur du peuple marseillais.

Ce n’est pas surprenant car Annie Londonderry est une conteuse hors pair, capable d’inventer les plus folles histoires pour asseoir sa popularité. Ainsi Peter Zheutlin déclare t’il "Her stories were completely incredible. And I say ’incredible’ because often, they weren’t true."

(Ses histoires sont totalement incroyables. Et je dis incroyables car bien souvent elles ne sont pas vraies).

Il ajoute « Bien qu'elle ait pédalé des milliers de miles au cours de son odyssée, ses comptes rendus de celle-ci sont souvent sauvagement incohérents, et il ne semble pas qu'elle se souciait pas du tout de coller à sa véritable histoire. La même journée, par exemple, elle a déclaré à deux journaux de San Francisco des histoires complètement différentes sur la façon dont elle avait atteint la côte chinoise en provenance d’Inde : par terre à bicyclette pour l’un, en bateau à vapeur pour l'autre. Elle avait aussi un riche répertoire d'anecdotes sur son parcours. En France, elle a déclaré être ne orpheline, une avocate, un étudiant en médecine de Harvard, une comptable, une riche héritière, l'inventeur d'une nouvelle méthode de sténographie, la cousine d'un membre du Congrès américain, et la nièce d'un sénateur américain. » (traduction de l’auteur). Toujours en France, elle raconta également avoir été aux prises avec des bandits à proximité de Paris. Selon elle, elle n’aurait du son salut qu’au fait qu’elle ait brandi son pistolet à crosse de nacre sous le nez de ceux qui voulait la détrousser.

En mars 1895, Annie Londonderry arriva à San Fransisco à bord d’un vapeur belge. Elle entame alors son retour vers Chicago sur sa bicyclette Sterling. Tout au long du parcours, elle donne des conférences pour raconter son périple et pour attirer une foule de plus en plus nombreuse, elle invente encore de belles histoires dont elle est l’héroïne. Ainsi elle prétend avoir chassé le tigre en Inde avec un membre de la famille royale prussienne. Elle aurait échappé de peu à la mort dans un coin reculé d’Asie où on l’aurait prit pour un mauvais esprit. Prise dans la guerre sino-japonaise de 1895, ce qui est vrai, elle prétendit avoir traversé le front, être tombée dans une rivière gelée, puis avoir été touchée par une balle à l'épaule avant d’être jetée dans une prison japonaise. Lors de ces conférences, il lui arriva également d’évoquer d’autres sujets surprenants comme les lits chauffants coréens, l’utilisation du cheval en Sibérie ou même le traitement des prisonniers politiques par la Russie Tsariste…Les spectateurs mais aussi la presse aimaient à entendre ces histoires alors Annie leur donnait simplement ce qu’ils étaient venus chercher.

 

Annie a mis en scène cette photographie prise à proximité de San Francisco. Elle l’utilisait lors de ses conférences à travers l'Ouest américain en 1895 pour illustrer ses anecdotes remplies de danger et d’aventure.

 

 

Mythomanie ? Il y a effectivement chez Annie Londonderry un besoin effréné de reconnaissance et de gloire, mais le fond de l’histoire est totalement véridique. Si Annie a volontairement truffé son périples d’anecdotes la mettant en valeur pour faire de son périple une Odyssée dont le personnage principal est une femme, une chose est pourtant certaine, ce voyage a bien eu lieu. J’ai retrouvé trace de son passage en France et on peut dire avec certitude qu’Annie a vraiment effectué cet immense périple à vélo sur des routes faites de pierres et de terre. Cela est déjà un immense exploit.  

Bien que sa motivation ait été d’abord personnelle et non pas politique, elle voulait gagner la célébrité et la fortune, elle a tout à fait consciemment pris le flambeau de l'égalité des femmes. En changeant de tenue au cours de son périple elle a montré son ralliement à la cause féministe. A-t-elle été d’abord séduite par l’aspect pratique des bloomers ou alors a-t-elle endossé cette tenue pour montrer son soutien à cette cause, peut importe car jusqu’au bout elle porta la bonne parole. Annie a un jour déclaré que, peu importe où l'on se trouvait sur la question de l'égalité des femmes, ce qui comptait avant tout c’était de faire avancer les choses.

De San Francisco, Annie prit la direction de Los Angeles, puis traversant l'Arizona et le Nouveau-Mexique et elle arriva à El Paso à la fin du mois de Juillet. En cette toute fin du 19ème siècle, le Texas était encore l'Ouest sauvage tel que les westerns nous l’on dépeint à maintes reprises. Annie donna plusieurs conférences dans la ville où elle acquit très vite une immense réputation. Sa notoriété est telle que le brigand John Wesley Hardin et sa maitresse Helen vinrent écouter notre voyageuse au long cours. Ce fut d’ailleurs une des dernières sorties de John Wesley Hardin (dont la légende prétend qu’il aurait tué une quarantaine de personnes au cours de sa sanglante carrière) car il fût abattu quelques semaines plus tard.
A partir de El Paso, elle se rendit à Cheyenne avant de prendre un train et d’atteindre Chicago terme de son voyage, le 12 septembre 1895

Célèbre, Annie Londonderry le fût sans nul doute, le temps de son voyage, il suffit pour s’en convaincre de consulter les journaux américains de l’époque pourtant cela ne dura que fort peu de temps. Et très vite elle retomba dans l'oubli. A la fin de son périple, elle s’installa avec sa famille à New York. Elle essaya bien de profiter de sa renommée et pendant quelques temps, on la retrouve écrivant des récits de son voyage pour the New York World, le journal de Joseph Pulitzer. Ses articles étaient signés : “The New Woman”. Dans l’un d’entre eux, elle écrivit  “I am a journalist and a new woman, if that term means that I believe I can do anything that any man can do.” (Je suis une journaliste et une nouvelle femme, si ce terme signifie que je crois que je peux faire tout ce qu’un homme peut faire). Cette activité ne dura pas. L’irréalité de ses récits finit probablement par lasser les lecteurs et la vie publique d’Annie cessa. On n’entendit plus parler d’elle jusqu’à sa mort en 1947. Ce que le New York World avait appelé « le voyage le plus extraordinaire jamais entrepris par une femme » disparut avec elle. Pendant plus de soixante ans, rien dans l’histoire de la bicyclette ni dans celle du mouvement féministe américain ne fît plus référence au périple d’Annie. Peter Zheutlin dont Annie était la sœur de son arrière grand père explique que ce passé que l’on peut à juste titre considéré comme glorieux, avait totalement disparut y compris de la mémoire familiale avant qu’il ne s’en empare. 

Annie était une femme très charismatique, une conteuse extrêmement douée et intelligente mais aussi probablement une affabulatrice. Il est pratiquement certain qu'elle a inventé l'histoire du fameux pari à l’origine de son départ ainsi que bon nombre des aventures qui donnent du relief à son voyage. Un temps porte drapeau du mouvement féministe, Annie a réussi, à force de courage et de volonté, là où beaucoup d’hommes auraient échoué. Sa traversée du monde à la force des mollets constitue un authentique exploit. Il est dommage que l’histoire extraordinaire de cette jeune femme débrouillarde, dotée d’indéniables qualités physiques, indépendante et libre-penseur demeure dans l’oubli.

 

www.annielondonderry.com

www.experienceplus.com

Pour en savoir plus :

 

 

Peter Zheutlin Around the World on Two Wheels: Annie Londonderry's Extraordinary Ride. Citadel. November, 2007.

 

 

 


Christina E. Dando : Riding the Wheel: Selling American Women Mobility and Geographic Knowledge. Geography/Geology Department, University of Nebraska-Omaha

Christopher Thompson «Corps, sexe et bicyclette » dans Les Cahiers de médiologie 5. La bicyclette. Paris: Gallimard, (1998)

 

 

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