Le Petit Braquet
 
- Chronique n° 82
 
 

Thaddeus Robl

 

THE Marius                                                                07-12-2013

Marius Thé

 

C’est bien connu, la motocyclette est la fille ainée de la bicyclette et au moment de ses premiers développements c’est parmi les cyclistes qu’elle recruta ses premiers adeptes. Sprinteurs désireux d’aller toujours plus vite comme Alessandro Anzani, coureur de fond lassé de pédaler mais pas de courir comme Gaston Rivierre, ils sont nombreux à avoir, avec un succès certain, cédé aux charmes de ce nouvel engin. Marius Thé, un avaleur de kilomètres qui malgré son talent, resta souvent dans l’ombre des vedettes de la discipline qu’étaient Lucien Lesna, Constant Huret ou même Jean Marie Corre, réussit dans la compétition moto, une brillante reconversion. Durant quelques années encore il partagea son temps entre les compétitions de moto et le rôle de « pacemaker » pour les coureurs de fond. Avant que le destin ne s’en mêle tragiquement, on put ainsi voir sa grande carcasse tantôt bien droite sur sa machine pour protéger le coureur qu’il entrainait tantôt couché en recherche de vitesse.

Thé Marius

Nés le 24 septembre 1871, Marius Antoine et son frère jumeau Jules Eugène Thé sont issus d’une famille modeste, demeurant rue du grand puits à Marseille. Antoine le père qui se déclare restaurateur a déjà 46 ans à la naissance de ses enfants et Marie Blandine Maillard, son épouse qui fait profession de ménagère et, elle, âgée de trente sept ans.

Les deux garçons se sont, semble t il, très tôt intéressés à la bicyclette car on note, dès septembre 1889, un coureur du nom de Thé dans les résultats d’une épreuve locale disputée à Marignane. L’absence de prénom ne nous permet pas de conclure avec certitude qu’il s’agit bien de l’un des deux frères. Les deux jumeaux comme cela est souvent le cas furent longtemps inséparables et on les retrouve régulièrement ensemble au départ des courses.

Quand Marius, encouragé par des résultats prometteurs, décida de « monter à Paris » tenter sa chance, Jules l’accompagna. Moins doué que son frère, Jules fit malgré tout une carrière honorable sur piste comme sur route (3ème du championnat des 50 km de la SV de Marseille en 1891, 3ème de Marseille-Nice 1897,…).

Thé Marius

 

 

 

 

 

Marius commença à se faire connaître dans sa région dès 1891 en remportant Marseille-Avignon-Marseille et en disposant de son conscrit, Marius Allard, l’une des stars de l’époque, vainqueur de Paris Nantes Paris en 1892, lors du championnat des Bouches du Rhône, cette même année. Après une saison moins brillante que la précédente et une année 1893 totalement blanche, pour cause d’obligations militaires très probablement, Marius Thé fît une arrivée fracassante sur le devant de la scène cycliste en 1894 en terminant 2ème de Paris-Saint Malo derrière Lucien Lesna mais devant Gaston Rivierre et 2ème de Paris-Bar le Duc toujours derrière le grand Lucien Lesna. A 23 ans, il est désormais considéré comme un espoir du cyclisme et dès lors, selon l’expression consacrée, sa carrière est lancée.

On retrouve le coureur marseillais aussi bien dans les épreuves de grand fond sur route que sur piste. Il prend également régulièrement par à des courses de tandem qui, elles, se déroulent sur des distances réduites (10 kilomètres maxi). Les qualités d’endurance nécessaires aux épreuves au long cours n’ont rien à voir avec celles nécessaires aux sprinteurs qui forment en général le gros du peloton des épreuves de tandem mais cela n’empêchait pas Marius Thé de s’exprimer et d’être au niveau de ses adversaires. Certes le niveau de spécialisation des coureurs est à l’époque très loin de celui que nous connaissons aujourd’hui et il était alors beaucoup plus facile de figurer honorablement dans les deux disciplines qui plus est, dans des épreuves comme les courses de tandem, mais il faut ajouter à cela l’admiration de Marius Thé pour les épreuves de vitesse qui ajoutait chez lui une motivation supplémentaire.

Quelques années plus tard, en juin 1896, il annonça d’ailleurs lors d’une interview, qu’il entendait désormais s’essayer également à la vitesse.

Thé Marius

 

Dans les vélodromes, il retrouve régulièrement son frère Jules. Ils forment avec les frères Florent et Tony Reboul, eux aussi, originaires de Marseille et probablement avec les frères Allard, une sorte de clan des Provençaux dans le microcosme des coursiers de la capitale. Les Reboul s’expriment surtout sur piste où ils forment une redoutable équipe pour les épreuves de tandem. Ils remportent également de nombreuses victoires dans les épreuves de vitesse et les handicaps. Les Allard, Jean vainqueur de Rennes Brest Rennes en 1894 et Marius qui disparaitra tragiquement en 1895 des suites d’un refroidissement contracté lors de Bordeaux Paris 1894, devaient comme eux, aimer évoquer la vie en Provence et parler du soleil qui faisait si souvent défaut dans la capitale. On pourrait ajouter à ce petit groupe Pastaïre, coureur né à Bédoin au pied du mont Ventoux et qui fait parfois équipe avec Marius Thé. Unis par une culture et des traditions communes, ils sont de véritables expatriés à Paris et ils éprouvent parfois le besoin de se retrouver pour parler du pays et, en ces occasions, on peut raisonnablement penser qu’ils ont le plaisir de s’exprimer en provençal.

Collection Jules Beau. Photographie sportive 1901

www.gallica.bnf.fr

 

 

 

 

Comme ses « compatriotes », Marius Thé aimait à retourner régulièrement se ressourcer dans sa province natale et sur des routes qu’il connaissait parfaitement, il y fit régulièrement étalage de tout son talent comme en témoigne ses victoires dans Marseille-Draguignan en 1896 et Marseille-Nice en 1897.

Thé Marius

 

Parfois et cela devait être un plaisir immense pour eux, les frères Thé courent ensemble des épreuves de tandem ou même de triplette, comme ce fut le cas lors du meeting du 12 février 1896 à Nice (source le Véloce Sport du 20/02/1896).

Surnommé « le rempart de la Canebière », ce grand gaillard musclé, osseux est un personnage taciturne mais attachant qui, avec l’accent de son sud natal, a parfaitement réussi à s’intégrer dans le cercle des coureurs parisiens. Ainsi, comme en témoigne, le journal le Véloce Sport du 10 septembre 1896, Marius Thé accompagna le sprinteur Paul Bourillon lors d’une tournée en Russie et notamment à Odessa où il gagna lui aussi plusieurs épreuves sur piste.

L’année suivante on le retrouve en Allemagne où il joue l’équipier de luxe d’un Constant Huret au mieux de sa forme, pour une tournée, qui selon les journalistes sportifs français, est un immense triomphe. Certes, Marius Thé est régulièrement battu par Constant Huret mais il n’est pas qu’un simple faire valoir pour le champion français des épreuves de fond. 2ème des 24 heures de Berlin, où il semble avoir aidé Huret à l’emporter, il domine lui aussi les coureurs allemands de fond ainsi que Miller, l’américain favori de l’épreuve. Souvent placé, il ne lui manquera finalement pas grand-chose pour être l’égal des plus grands.

 

Si sa volonté d’orienter sa carrière vers la vitesse comme il l’avait annoncé en 1896, ne fut pas suivie d’effet, on constate que Marius Thé disparaît complètement des résultats des épreuves sur route dès l’année 1898 alors qu’il n’a que 27 ans. Les raisons qui peuvent expliquer la réorientation de sa carrière sur la piste sont multiples.

Marius Thé

 


Edition du 14-septembre 1898 [source : http://www.gallica.bnf.fr

 

Il est probablement plus facile à l’époque de gagner correctement sa vie en ne courant que sur piste mais ce n’est pas à mon sens la raison première de ce changement. Le 18 juillet 1897, lors de l'inauguration du Stade-Vélodrome du Parc des Princes à Paris, des courses de motocyclettes sont pour la première fois, organisées et cela pourrait bien être une date clé dans la vie du coureur Marseillais. Les courses de motocyclettes vont désormais se développer tout en devenant le mode unique d’entrainement des coureurs dans les épreuves de fond. Dès le début, Marius Thé est de part sa spécialité, au plus près de ces nouvelles machines. Fasciné par les sensations procurées par ces engins lancés à plein vitesse, il comprend qu’il a trouvé là sa reconversion tout en continuant à fréquenter les vélodromes dont il apprécie l’ambiance et où il a beaucoup d’amis.

2ème des 24 heures de Berlin derrière Constant Huret en 1898 et 2ème l’année suivante du Bol d’Or, il va terminer sa carrière quelques mois plus tard lors de six jours de New York du 4 au 10 décembre 1899. Associé à Lou Pastaïre, ils forment une équipe dénommée « The Marseilles pairs ». Drôle de nom pour une paire certes composée de provençaux mais pas uniquement de marseillais, Emile Peyre alias Pastaïre étant, pour sa part, né au pied du mont Ventoux, à Bédoin.

C’est la dernière fois que le nom de Marius Thé apparaît dans l’actualité cycliste. L’envie n’a pas toutefois totalement disparu et en juin 1900, il est suspendu pour une durée de trois mois par la commission de discipline de l’UVF pour s’être engagé à une course devant se dérouler le 27 mai au Parc des Princes. Désormais c’est sous la double casquette de « pacemaker » et de coureur moto que l’on retrouve Marius Thé.

Il est intéressant de noter que les jumeaux Thé demeurent toujours quasiment inséparables. Si Jules semble avoir continué à courir quelques temps comme en témoigne sa modeste 32ème place lors du Paris-Brest-Paris 1901, il choisit lui aussi de devenir « entraîneur moto » et de louer ses services à des coureurs de fond.

 

 

 

 

Marius Thé

Il semble toutefois que Jules ne fut jamais aussi téméraire et fou de vitesse que son frère Marius car il ne fit pas, comme lui, une carrière de coureur à moto mais on sait qu’il continua de longues années encore son activité d’entraîneur.

Marius Thé

Marius Thé
Marius Thé

A l’aube du XXème siècle, Marius Thé est donc à un tournant de sa vie et il a tout en main pour réussir. Il s’impose très vite comme un excellent pacemaker et le travail ne manque pas pour conduire les coursiers qui lui font confiance vers la victoire.

En quelques épreuves, il se révèle également comme un des plus rapides coureurs à motocyclette et il est désormais considéré comme un des cadors de la discipline. L’hebdomadaire « la presse » évoque en 1904, la bagatelle de 36 victoires consécutives pour le marseillais.

Marius Thé


Edition du 27-avril 1904 [source : http://www.gallica.bnf.fr

Hélas les machines utilisées par les coureurs pour l’entrainement lors des épreuves de fond comme pour les épreuves de vitesse sont de plus en plus puissantes et dangereuses. C’est une véritable course à l’armement à laquelle l’on assiste et, en quelques années, les vitesses augmentent fortement. Il suffit pour s’en convaincre de constater en quelques dates, l’évolution anormale du record de l’heure derrière entraineur. Le 6 août 1898, derrière un tandem à pétrole, l’américain Harry Elkes, qui disparaitra quelques années plus tard, victime de sa passion, atteint 55,831 kilomètres dans l’heure. Trois ans plus tard, en 1901, Taddeus Robl abrité derrière son tandem à pétrole dépasse les 67 kilomètres dans l’heure. Le 21 juin 1906, il porte le record de l’heure à 91,983 kilomètres. Trois ans plus tard, le 15 septembre 1909, le français Paul Guignard franchit la barre mythique des 100 kilomètres et établit le record à 101,623 kilomètres dans l’heure. En onze ans, près de 46 kilomètres ont ainsi été gagnés en une heure grâce à l’augmentation phénoménale de la puissance et de la vitesse des engins d’entrainement.

Marius Thé

Les motocyclettes deviennent alors totalement inadaptées à un usage sur un vélodrome et chaque crevaison, chaque accrochage, chaque chute a des conséquences dramatiques. Il faudra de très nombreuses victimes tant chez les coureurs que chez les entraîneurs pour que la réglementation change enfin et que le demi fond sorte de cette fuite en avant qui en faisait une sorte de jeu du cirque où la chute et l’accident faisaient partie du spectacle que venaient voir les spectateurs.

Géo Lefebvre dont on connaît la clairvoyance sur tout ce qui touche au cyclisme, écrivait à juste titre dans le journal « la Vie au grand Air du 18 avril 1903, au moment de la réouverture du Parc des Princes, et du match opposant Maurice Fournier à Marius Thé, les lignes suivantes :

« Que valent les 660 mètres d’Auteuil ? …
La piste d’Auteuil est toujours la plus propice aux grandes batailles de sprinters avec son immense dernier virage et sa ligne d’arrivée qui n’en finit plus. Mais elle est maintenant un théâtre superbe pour les plus rudes combats de stayers. La devise de ces derniers est : « toujours plus vite ». De 70 à l’heure, ils ont sauté à 80. Et bientôt ils parleront de faire du 90. ! Or, les virages du Parc des Princes sont calculés pour permettre une allure de 110 kilomètres à l’heure ! La piste est de dimensions aussi grandes que peut l’être une piste cycliste, elle est large à souhait.
Tout est donc pour le mieux.

Non pas tout à fait, cependant. Si le grand virage est absolument réussi, le petit ne donne pas une satisfaction complète à la direction, qui a pourtant jeté l’argent par les fenêtres. Le rapport entre le plan horizontal de la ligne opposée et le relèvement nécessaire dans la courbe est un peu trop brusque, si bien qu’un coureur lancé à 80 à l’heure et, par conséquent, très incliné vers la pelouse, se trouve rouler sur le plan horizontal avant de s’être complètement redressé

Si j’en viens maintenant à la réunion, je peux trouver une transition toute indiquée en disant de suite que, malgré la légère imperfection de la sortie du petit virage, les rois de la motocyclette que sont Maurice Fournier et Marius Thé nous ont donné un spectacle terrifiant au cours de leur match.

Fournier a gagné. Il avait tout simplement un moteur à deux cylindres, faisant 22 chevaux. Sur une motocyclette, et sur piste ! C’est fort.

Aussi la motocyclette de Marius Thé, la reine du genre jusque là, a-t-elle paru un jouet d’enfant à coté de cet effrayant engin. Bien que Marius Thé n’ait succombé que de quelques mètres et ait battu, en même temps que son rival, son propre record des 10 kilomètres, il n’en a pas moins été dominé de bout en bout.

Maurice Fournier n’a fait donner son monstre que juste ce qui était nécessaire. Marius Thé tentait-il de passer ? Hop ! Fournier mettait un peu d’avance à l’allumage – il appelle cela « de la sauce » - et immédiatement il bondissait à plus de 100 kilomètres à l’heure, laissant son rival sur place.

Vous qui savez comment marche Marius Thé, vous pouvez juger du spectacle donné par Fournier dans ses moments d’envolée. Il y eut des lignes droites effrayantes, des virages terrifiant.

Quel sport effroyable. »

Pire encore, les coureurs, lors des entraînements, partageaient régulièrement la piste avec leurs collègues pilotes de motocyclettes. La vigilance était de mise car cohabitaient alors sur la piste des engins circulant à plus de 70 kilomètres par heure et des coureurs qui tournaient à une vitesse nettement inférieure. Une faute, un écart et les conséquences pouvaient être dramatiques comme Marius Thé et le coureur Breton en firent l’amère expérience.

Le 13 aout 1902, alors qu’il s’entraîne à moto sur la piste du Parc des Princes en même temps que des coureurs, Marius Thé va dans des circonstances dramatiques percuter un pistard et le tuer. Certes, à la lecture des articles de presse relatant cet accident terrible, on comprend que Marius Thé n’est pas véritablement responsable de ce drame mais il en sortit malgré tout profondément marqué et choqué. Le fait d’avoir été lui aussi coureur participa bien évidemment à la détresse de notre homme.


Le Figaro

 

 

 

 

 

 


Edition du 14-août 1902 [source : http://www.gallica.bnf.fr]

 

Marius Thé

 

 

 

 

 

 

La matin
Edition du 14-août 1902 [source : http://www.gallica.bnf.fr]

 

Marius Thé eut finalement beaucoup de chance car dans les nombreux accidents qui émaillent les épreuves de fond, les entraîneurs paient eux aussi un lourd tribut à cette surenchère. Un pneu qui éclate à pleine vitesse et s’est la chute assurée et à l’époque, la fiabilité des pneus était bien moindre que de nos jours.

Edition du 15-août 1898

Entre 1901 et 1905, année d’une première interdiction des grosses motocyclettes comme mode d’entrainement, on dénombre au total 19 tués, entraîneurs et coureurs confondus, sur les pistes des vélodromes. Il faut bien évidemment mettre ces chiffres en écho à une terrifiante escalade à la puissance avec des monocylindres qui passent de 1360 à 2800 cm3 et des multicylindres de 1600 à 4200 cm3.

Si les différents articles de journaux que nous reproduisons ici, diffèrent quelque peu sur les circonstances exactes de l’accident et sur l’état physique et mental de Marius Thé dans les jours qui suivirent le drame, on peut imaginer combien lui, ancien coureur cycliste, a pu être doublement touché par cet évènement. Causer la mort d’un homme même involontairement n’est jamais un évènement anodin et il fallut du temps et du courage à Marius Thé pour l’accepter et remonter en selle.

C’est désormais avec Paul Dangla, un jeune stayer prometteur qu’il fait équipe tout en continuant avec succès, la compétition motocycliste. Léopold-Marie Dangla, qui se fait appeler Paul Dangla, est né le 16 janvier 1878 à Laroque-Timbaut dans le Lot et Garonne. Vice champion de France et vice champion d’Europe de demi-fond, Paul Dangla améliore à deux reprises le record du monde de l’heure derrière entraîneur le 16 août et le 18 octobre 1903. Il ne m’a pas été possible de confirmé que Marius Thé était bien l’entraîneur de Paul Dangla à l’occasion de ses deux records du monde pourtant cela ne semble guère faire de doute.

Marius Thé

Dangla derrière Marius Thé au Vélodrome d’hiver Collection Jules Beau. Photographie sportive T. 24.
Années 1903 et 1904 [source : http://www.gallica.bnf.fr

En effet, le journal « La Presse » en date du 27 juin 1904, affirme que Dangla a fait toute sa carrière de demi-fond secondé par le marseillais. De plus, lors des meetings du 12 avril, du 26 avril, du 17 mai, du 24 mai, du 16 août et du 13 septembre 1903 ; auxquels participa Paul Dangla, on retrouve à chaque fois Marius Thé au départ de la course de motocyclettes qui figure au programme de la réunion. Il est également l’entraîneur de Dangla, lors d’un match qui l’opposa à Bruni le 22 novembre 1903.

C’est ensemble qu’ils se rendent en Allemagne, en juin 1904, pour participer à plusieurs épreuves de demi-fond face aux cracks allemands. A Berlin, le 5 juin, Paul Dangla n’est que 4ème d’une épreuve de 75 kilomètres derrière entraîneur. La course est dominée de bout en bout par le néerlandais Piet Dickentmann qui s’impose devant l’allemand Bruno Demke. C’est à Magdebourg, quelques jours plus tard que Dangla espère prendre sa revanche. Hélas le sort en décida autrement. Si l’on en croît les propos de Marius Thé, relatés par la presse française, c’est l’imprudence du second entraîneur de Bruno Demke qui provoqua la chute de Dangla et de son équipage quand cet homme tenta de lançer sa moto sans respecter certaines règles élémentaires de prudence.

Si les informations concernant l’état de santé de Marius Thé sont fort heureusement, erronées, car le marseillais s’en tire avec seulement quelques égratignures, celles relatives à Paul Dangla sont rapidement confirmées. C’est le début d’une longue et terrible agonie où les espoirs de guérison des premiers jours font peu à peu place aux plus vives inquiétudes.

Marius Thé

Le Petit Parisien
La solidarité entre les coureurs de fond est manifeste car tous savent bien qu’à chaque course, ils mettent ensemble, leur vie en jeu. Le meilleur stayer du moment, Taddeus Robl n’hésite pas à faire le voyage depuis Berlin pour se rendre au chevet de son infortuné camarade. Lui qui échappa à la mort à plusieurs reprises, savait parfaitement que les sommes importantes que gagnent les meilleurs stayers étaient à ce prix.
La triste fin de Paul Dangla intervint après celle d’Oreggia sur le vélodrome de Marseille en mai. Au début du mois d’août c’est l’allemand Kaeser qui est tué sur la piste de Plauen en Saxe puis le 23 août c’est au tour de l’américain Georges Leander, victime d’une grave chute au Parc des Princes de succomber à ses blessures. Terrible ironie du sort, le jeune espoir américain qui n’était à Paris que depuis quelques semaines, avait hérité du matériel de Paul Dangla pour courir.
La coupe est pleine, les machines trop lourdes et trop puissantes ne sont plus adaptées à des épreuves sur piste dans un espace forcément réduit qui accroit le danger. Avec des vitesses désormais supérieures à 80 kilomètres, chaque accrochage est une catastrophe prévisible d’autant que les stayers prennent tous les risques pour se trouver au plus près de la moto qui les entraîne et les protège. Les fourches inversées qu’ils utilisent, lorsqu’elles sont trop accentuées, n’autorisent pas de braquage complet. Au moindre coup de guidon un peu trop prononcé, la roue vient butter contre la pédale et c’est le grand soleil assuré. En 1905, l’UCI décide de réagir et elle interdit les motos de grosses cylindrées sur les courses de demi-fond. Cette interdiction ne durera pas et sera levée rapidement pour satisfaire la demande du public et de certains organisateurs de meeting !!!

Sorti quasiment indemne de deux terribles accidents, Marius Thé est un peu un miraculé mais il n’en demeure pas moins profondément marqué moralement et physiquement par ces chutes et la mort de deux coureurs. Peut être pense-t-il au dicton « jamais deux sans trois » se disant qu’il n’en réchapperait pas une troisième fois. Plus probablement, à tout juste 34 ans, comprend-il que les machines progressant chaque jour un peu plus, son corps et son mental ne sont plus capables de tenir la dragée haute face à l’émergence d’une nouvelle génération. Celle-ci n’est pas issue comme la première du milieu cycliste et elle aspire à prendre son indépendance, à sortir des vélodromes et à faire des courses de moto, une discipline clairement distincte des meetings cyclistes. Il choisit sagement de mettre un terme à sa carrière. Il s’en va pendant qu’il en est encore temps avec un palmarès élogieux. Les deux premiers championnats du monde officieux de motocyclette (compétitions françaises non homologuées avec pas ou très peu de compétiteurs étrangers) l’ont consacré comme un des très grands champions de cette nouvelle discipline : vice champion du monde en 1903 et champion du monde en 1904. Que peut-il espérer de plus désormais. Dans sa tête le ressort est cassé et c’est bien connu sans envie il n’y a plus suffisamment d’agressivité pour forcer le destin et décrocher la victoire.

Jusqu’à la guerre, on perd la trace de Marius Thé. Mobilisé, il est affecté au 13ème régiment d’artillerie automobile, avec le grade de brigadier. Il décèdera de maladie, au front, à Saint-Pol-sur-Ternoise dans le Pas de Calais, le 10 septembre 1915.

Marius Thé
Photo source : http://zhumoriste.over-blog.com/article-l-heritage-d-elie-buchet

Il n’aura finalement manqué que fort peu de chose pour que, celui qui ne riait jamais et que l’on surnommait « le rempart de la Canebière » entre au Panthéon des grands champions. 2ème du Bol d’Or, de Paris-Saint Malo et de Paris-Bar le Duc, 3ème de Bordeaux-Paris, il tourna autour mais n’obtint jamais la grande victoire qui l’aurait définitivement consacré. Comme de nombreux autres coureurs cyclistes tels que Fournier, Lamberjack et surtout Anzani pour ne citer que les plus célèbres, il devint ensuite pacemaker avant de connaître le succès lors des premières compétitions motocyclistes inclues dans les meetings des vélodromes. Pilote rapide, ayant le goût du risque, il aurait probablement réussi une carrière plus brillante encore, si deux terribles accidents dont il réchappa miraculeusement ne l’avaient brisés dans son élan. Drôle de destin en forme de balancier que celui de cet homme à qui la chance n’a jamais fait que de menus cadeaux. Toujours placé mais jamais gagnant sur sa bicyclette, prenant des risques énormes sur sa moto mais sortant indemne d’accrochages dramatiques pour finalement mourir au front, mais de maladie…

Palmarès

1889               

  • 1er d’une course à Marignane, en septembre

1891               

  • 1er Marseille-Avignon-Marseille
  • 1er du championnat de la SV de Marseille, les 50 km en 1 h 42 m, le 11 octobre

1892

  • 1er du championnat des 100 km des Bouches du Rhône, Marseille le 22 mai
  • 2ème de la course de bi organisée à Toulon, le 29 février par la SV de Marseille
  • 6ème de Marseille-La Ciotat-Marseille en août

1893

               
1894

  • 2ème de Paris-Saint Malo
  • 2ème de Paris-Bar le Duc
  • 2ème de Caen-Cherbourg-Caen battu par le tandem Rivierre-Beaugrand, juillet
  • 3ème d’une course de tandem avec Allard au vélodrome de l’Est en septembre
  • 3ème d’une Internationale de tandem avec Duc à Aix en Provence en novembre
  • 1er d’une course intitulée « military » à Antibes en août (Marius ou Jules ?)

1895               

  • 1er de Strasbourg-Bâle-Strasbourg
  • 2ème d’une épreuve de 6 heures, vélodrome Buffalo en août
  • 2ème d’une épreuve de 100 km vélodrome Montdésir de Bordeaux en juillet
  • 4 ème du prix de la Muette (scratch 10 km), Vélodrome Buffalo, mai
  • 3ème d’une internationale sur 100 km, au vélodrome de Marseille en septembre
  • 3ème d’une épreuve de 6 heures, vélodrome Buffalo en juin

1896               

  • 3ème de Bordeaux-Paris
  • 1er de Marseille-Draguignan-Marseille
  • 1er de deux  course de 50 verstes (1067 mètres = 1 verste), vélodrome d’Odessa en août

1897               

  • 1er Marseille-Nice
  • 3ème de Paris-Bar le Duc
  • 3ème d’une course de machines multiples sur quintuplette avec Demester, Frédéric, Sevère et Deneau, Paris Parc des Princes en novembre

1898

  • 2ème d’une épreuve de fond à Berlin en septembre
  • 2ème des 24 h à Berlin en septembre
  • 4 ème d’une course de 6 heures à Amsterdam en octobre

1899               

  • 2ème du Bol d’Or
  • 3ème de la course des trois jours, Paris Vélodrome ?
  • Participe aux six jours du Madison Square Garden de New York associé à M Pastaire

PALMARES DE Jules THE

1891               

  • 12ème des 100 km de Marseille en  avril 1891
  • 3ème du championnat des 50 km de la SV de Marseille, remporté par Marius, le 11 octobre


1896               

  • 1er d’une épreuve de tandem mixte avec Melle Cassineby à Marseille en juin
  • 1er d’une épreuve de tandem associé à Delajat en avril (épreuve réservé aux entraîneurs)
  • 2ème d’un 2 km et 3ème d’une épreuve de tandem associé à Astruc en septembre à Marseille


1897               

  • 3ème de Marseille-Nice

1901

  • 32ème de Paris-Brest-Paris

 

En savoir plus

  http://www.gallica.bnf.fr
  http://racingmemo.free.fr/index.htm
  http://www.memoire-du-cyclisme.net/
  http://www.museociclismo.it
  http://autodrome.over-blog.com

 

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