Charles Louis Van de Born
Hô Chi Minh-Ville a rendu hommage, durant le mois de décembre 2010, à un coureur cycliste décédé en 1958 : Charles Van den Born. Ce spécialiste de la piste, né belge, a été plusieurs fois champion de Belgique de la vitesse au cours d'une carrière achevée en 1909 mais ses titres cycliste n’ont rien à voir avec les célébrations organisées au Vietnam. Dans ce pays, son nom est célèbre pour une toute autre raison. Comme de nombreux autres cyclistes, Charles Van den Born, passionné de vitesse, s’est reconverti à la fin de sa carrière dans l’aviation. Il est considéré comme un des pionniers de l’aviation pour l’Asie. Il a réalisé, le 15 décembre 1910, le premier vol sur le continent asiatique. Des commémorations ont également eu lieu en Thaïlande et à Hong-Kong.
Départ du match Poulain, Friol, Kramer, Van den Born, Parc des Princes, 3 juin 06, http://gallica.bnf.fr
Né à Liège, le 11 juillet 1874, Charles Louis est issu d’une famille bourgeoise honorablement connu dans la ville. Originaire de Gronsveld, petit village du Limbourg près de Maastricht, Edouard, le père de Charles fit supprimer un « o » de son nom afin de le franciser. Premier prix de piano du conservatoire de Liège avec son frère Jean, professeur de piano, mais aussi éminent critique musical au journal La Meuse, Edouard Van den Boorn aurait été l’ami de Wagner et de Liszt. Dans cette famille cultivée et passionnée d’art, le père ne semble pas s’être opposé à la passion de son fils qui très jeune afficha son goût pour le cyclisme. C’est Emile, le second fils d’Edouard et Maria qui reprit le flambeau artistique de la famille en devenant artiste peintre.
Dès 1895, Charles Van den Born se fait remarquer par sa pointe de vitesse redoutable. En retrait en 1896, probablement du fait du décès de son père, il revint au premier plan, l’année suivante. On le retrouve comme beaucoup d’autres pistards à Paris mais aussi sur les autres grands vélodromes européens pour des matchs opposant régulièrement les meilleurs pistards mondiaux. On trouve son nom au palmarès d’épreuves qui se déroulent à Bruxelles, Milan ; Hanovre, Berlin, Ostende, Amsterdam, Varsovie, Copenhague. C’est pourtant Paris avec ses deux vélodromes (Buffalo et le Parc des Princes) qui en ce début de 20ème siècle, attire chaque année le plus beau plateau de coureurs.
« Les vélodromes parisiens ont à peine entr’ouvert leurs portes et déjà des quatre coins de l’horizon,
Comme un vol de gerfauts, hors du charnier natal, les cracks étrangers accourent à toutes pédales à la conquête de l’or.
Le temps est loin où la venue d’un coureur d’outre Atlantique causait une révolution dans les milieux sportifs parisiens. Nous commençons à être un peu blasés ! Il n’est pas mauvais, néanmoins, que chaque année, la venue d’hommes nouveaux amène de nouveaux éléments d’intérêt dans un sport, qui risquerait de devenir un peu monotone. »
Robert Coquelle, La vie au grand air, 4 avril 1903.
A l'orignine, cette carte comporte une erreur, les noms des coureurs sont inverses, à gauche Omer Beaugendre, à droite Charles Van Den Born
De 1897 à 1909, Charles Van den Born fait partie des grands du sprint mondial. Coureur trapu et puissant, il ne connaît pas de déclin au-delà de la trentaine bien au contraire il semble progresser encore et les années 1907 et 1908 seront les meilleures de sa carrière ce qui traduit une très grande force de caractère et une motivation intacte comme au premier jour. Au fil des ans, il accroche à son palmarès quelques unes des plus belles épreuves du calendrier international : Grand Prix de Pâques, Grand Prix de l’Union Vélocipédique de France… Il vit de son art et voyage en fonction des contrats que lui décroche son manager, mais Paris demeure toujours son port d’attache.
En plus des épreuves de vitesse, il participe, comme ses collègues, à des courses de tandem dans lequel il a le privilège d’être régulièrement associé au plus grand champion de l’époque, le danois Thorwald Ellegaard, (voir le coup de chapeau que nous lui avons consacré). Aucun pistard à l’époque n’était véritablement spécialisé dans cette discipline et les équipes étaient constituées en fonction des coureurs présents lors du meeting. Ces épreuves permettaient simplement aux organisateurs d’animer les réunions et de varier les disciplines pour la plus grande joie du public.
7 fois champion de Belgique de vitesse, deux fois sur le podium du championnat d’Europe, Charles Van den Born malgré tout son talent, ne réussit jamais à décrocher la couronne mondiale. 3ème en 1908, deux fois demi finaliste, (à l’époque les manches se courent à trois coureurs, les demi finalistes sont à classer de la 4ème à la 9ème place), il a toujours été barré par des champions d’exception comme Thorwald Ellegaard, Emile Friol ou Gabriel Poulain.
En 1909, à 35 ans, après une première partie de saison brillante (5 victoires dont le championnat de Belgique de vitesse), Charles Van den Born songe à sa reconversion et au mois d’août, il rencontre un ancien champion cycliste, Henri Farman, pionnier de l’aviation, (voir le coup de chapeau que nous lui avons consacré). Cette rencontre va totalement changer le cours de sa vie. En effet, entre les deux hommes le courant passe fort bien et dès le mois suivant, Henri Farman l'initie à l'aéronautique et au pilotage. Charles Van den Born a désormais trouvé une nouvelle passion qui ne le quittera plus désormais. Il obtient sa licence française de pilote le 8 Mars 1910, dans un Farman H. Elle porte le numéro 37. Dans la foulée, probablement pour éviter toute difficulté avec son pays natal, il passe avec succès la licence belge le 31 Mars 1910. Elle porte le numéro 6, cela montre bien que le terme de pionnier reflète pleinement la réalité. Aussi doué que sur sa bicyclette, Charles apprend vite, tellement vite que cette même année, Henri Farman lui confie la direction de son école de Bouy près de Chalons en Champagne et il devient ainsi le formateur des premiers élèves officiers aviateurs ainsi que de civils de différentes nationalités.
Sportif dans l’âme, Charles Van den Born est également un aventurier au sens noble du terme. Soutenu par sa femme qui accepte de le suivre, il part en 1910 avec un technicien afin de faire découvrir l’aviation aux pays asiatiques. Soutenu par la Ligue Nationale Aérienne Française, et par l’épouse d’Antony Wladislas Klobukowski, gouverneur général d’Indochine, il organise, à Saigon, la première Semaine d'aviation du 7 au 18 décembre 1910. Il a emmené avec lui trois biplans Farman afin de pouvoir réaliser ses exhibitions. Le 15 décembre, devant une foule de plus de cent mille spectateurs rassemblés à l'hippodrome de Phu Tho, il est le premier à survoler le sol asiatique. Après le Vietnam, il effectue ensuite des vols dans les autres pays de la région. En janvier 1911, à Bangkok, dans ce qui ne s’appelait pas encore la Thaïlande mais le royaume de Siam, Charles Van den Born vole en présence du roi Varna VI qui est très impressionné par la performance de l’ex champion cycliste. Charles effectue une autre démonstration à Hongkong le 18 mars 1911 avant de terminer son périple à Canton en Chine.
Au cours de la Première Guerre mondiale, il revient en Europe et il dirige l'école de l'aviation belge en France. Il joue un rôle actif dans la formation de pilotes pour lutter contre l’aviation allemande.
Sa carrière de pilote comprend des démonstrations de vol en Italie, à Nice, en Indochine française, puis en Thaïlande et en Chine. Charles Van den Born fut naturalisé Français le 25 décembre 1936, pour services rendus à la patrie.
Après la guerre, Charles Van den Born décide de retourner en Indochine où il pense pouvoir œuvrer au développement de l’aviation et faire des affaires. Il participe ainsi au développement de l'aéroport de Saïgon et il devient ensuite, dans les années 1930, planteur dans la région de Saïgon. Arrêté et torturé par les Japonais durant la seconde guerre mondiale, il réussit néanmoins à revenir en France où il décédera en 1958 à la Maison de retraite des médaillés de l'ordre de la Légion d'Honneur au Château St-Val à St-Germain-en-Laye.
Homme de passion, homme de caractère, Charles Van den Born a connu un destin hors du commun. Grand amateur de vitesse, attentif aux innovations, il a su à force de travail et d’abnégation faire de ses amours pour la bicyclette puis pour l’aviation son activité professionnelle avec une rare réussite. Les célébrations qui se sont déroulées à la fin de l’année 2010 pour célébrer ses performances aéronautiques ont permis de donner un coup de projecteur sur la trajectoire d’un homme injustement oublié dans son pays d’adoption pour qui il s’est pourtant investi sans compter tout au long de sa vie. Chapeau Monsieur Van den Born
Sauf mention particulière les photos présentées ici ont été réalisées par le petit braquet.
- 2ème du Championnat de Liège de vitesse
1897
Champion de Liège de vitesse
1er du G.P de Liège
1er du G.P de Lille
1er à Milan
3ème du G.P du Roi à Bruxelles
1898
Champion de Belgique de vitesse
1er à Bruxelles
2ème du G.P de Hanovre
3ème du Championnat de Liège de vitesse
3ème du G.P des Etrangers à Paris
Demi-finaliste du G.P de Paris
1899
3ème du G.P de Liège
3ème du G.P Sempione
3ème du G.P Volta
3ème du G.P Adda à Milan
4ème du G.P de Hanovre
1900
1er du G.P d'Ostende
1er du G.P de Verviers
1er du G.P de Varsovie
1er du G.P de Nantes
2ème du G.P d'Aix-la-Chapelle
Demi-finaliste au Championnat du Monde de vitesse
1901
Champion de Belgique de vitesse
1er du G.P de Hanovre
1er du G.P de Nantes
1er du G.P d'Anvers
2ème du G.P d'Amsterdam
2ème du G.P d'Agen
3ème du G.P de l'UVF
3ème du G.P de Senlis
3ème du Prix du Conseil Municipal de Nantes
1902
1er de la Roue d'Or de Mayence
1er du G.P de Darmstadt
2ème du G.P de Duisbourg
3ème du G.P de Liège
5ème du Championnat d'Europe de vitesse
1903
1er du G.P de Liège
1er du G.P de l'Espérance à Paris
1er du G.P de Belgique
2ème du G.P d'Aix-la-Chapelle
2ème du G.P de la République à Paris
2ème du G.P de Copenhague
2ème du G.P de Bavière
1904
2ème du Championnat de Belgique de vitesse
1905
Champion de Belgique de vitesse
3 victoires en Allemagne
4ème du Championnat de Cologne
1906
Champion de Belgique de vitesse
1er du G.P de Pâques à Paris
4 victoires en Allemagne
2ème du G.P du Conseil Général à Paris
Demi-finaliste au Championnat du Monde de vitesse
3ème du G.P des Etrangers à Paris
3ème du G.P d'Anvers
3ème du G.P Buffalo à Paris
3ème du G.P Municipal de Paris
4ème du G.P de Copenhague
4ème du G.P de Berlin
1907
Champion de Belgique de vitesse
1er du G.P de Pâques à Paris
1er du G.P Buffalo à Paris
1er du G.P du Printemps à Bruxelles
3ème du Championnat d'Europe de vitesse
1908
Champion de Belgique de vitesse <
1er du G.P de l'UVF
1er du G.P d'Europe à Bruxelles
1er du G.P de Brécy
1er du G.P de Baras
1er du G.P d'Antony
2ème du G.P de Pâques à Paris
3ème au Championnat du Monde de vitesse
3ème du Championnat d'Europe de vitesse
3ème du G.P UCI à Leipzig
3ème du G.P Morin
3ème du G.P de l'Est à Paris
1909
Champion de Belgique de vitesse
1er du G.P de Liège de vitesse
1er du G.P des Etrangers à Paris
1er du G.P de Marseille
1er du G.P de Brest
2ème du G.P Robert Protin à Liège
Demi-finaliste du G.P de Paris
Demi-finaliste au Championnat du Monde de vitesse
3ème du G.P de l'UVF
3ème du G.P de Berlin
Pour en savoir plus
http://earlyaviators.com/eborn1.htm
http://lecourrier.vnanet.vn
http://www.cap-vietnam.com/
http://www.memoire-du-cyclisme.net/
http://www.gagner-reussir.be/
« Des ailes pour l'éternité ». Tome 1 : « les pianistes du fleuve » par Julien Moës, Clé Editions Littéraires Essai
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