Le Petit Braquet
 
Chronique n° 33 - Thorvald Ellegaard
 
 

Thorvald Ellegaard

Coup de chapeau à

 

Thorvald Ellegaard

 

 

 

C’est le parcours d’un grand, d’un très grand sprinteur que nous allons tenter de retracer fidèlement pour vous ce mois ci. Coureur d’une exceptionnelle longévité, le danois Thorvald Ellegaard est entré dans l’histoire du cyclisme en empochant à six reprises, le titre mondial dans l’épreuve reine de la vitesse et en devenant probablement le premier globe-trotter de la piste.

Thorvald Ellegaard est né le 7 mars 1877 dans le minuscule village de Fangel près d’Odense. Cette ville, située sur l'île de Fionie, que l’on trouve parfois orthographié Odensee en français, est la troisième agglomération du Danemark avec 152.060 habitants en 2006. Elle est surtout connue pour être la ville natale de Hans Christian Andersen.

De son vrai nom, Christian Christiansen, Thorwald a prit comme patronyme le nom du lieu de sa naissance, Ellegaard signifiant « la ferme aux arbres » en danois. Le jeune homme s’est très vite pris de passion pour les courses cyclistes sur piste. Son frère Peter, son ainé de trois ans fut sans doute pour beaucoup dans cette passion naissante. De ce frère nous ne savons pas grand-chose ci ce n’est qu’il fut lui aussi professionnel de 1899 à 1905. A 21 ans Thorwald décide avec son frangin de partir pour Graz en Autriche où vient d’ouvrir une école d’entraînement. L’objectif est bien sur d’apprendre et de progresser mais c’est aussi un moyen de se rapprocher du cœur du cyclisme mondial sur piste qui se partage alors entre la France, les Pays Bas et l’Allemagne. Très vite, Thorwald progresse et décroche le titre de champion du Danemark de vitesse mais le fossé qui le sépare des meilleurs est encore important. Il s’aperçoit vraiment de cette différence de niveau lorsqu’il va courir sur le célèbre vélodrome Friedenau de Berlin, qui est probablement alors le plus important avec Paris Buffalo. Il est loin des meilleurs et il doit se contenter des courses à handicap qui se déroulent en levée de rideau avant l’entrée en piste des cadors. Qu’à cela ne tienne, Thorwald observe et apprend au contact de ces champions. Fort de cette expérience, il se remet à l’entrainement avec encore plus d’ardeur. C’est un travailleur infatigable et trois ans plus tard, lorsqu’il revient sur la piste de Berlin Friedenau ce n’est plus pour y faire de la figuration mais pour y conquérir le premier de ses six titres mondiaux face au gratin de l’élite mondiale : Edmond Jacquelin (champion du monde en titre), Guus Schilling (champion des Pays Bas) et Willy Arend (champion du monde en 1897, trois fois champions d’Europe). A l’époque la course revêt un aspect tactique encore plus important car la finale oppose généralement trois ou quatre coureurs au lieu de deux aujourd’hui. Peu connu par rapport à ses adversaires, il l’emporte en costaud, surprenant ses adversaires en attaquant le premier et en résistant jusqu’au bout à leur retour. Dès lors et jusqu’au début de la première guerre mondiale, les moustaches imposantes et le maillot finement quadrillé de Thorwald allaient briller à peu près sur toutes les pistes du monde.

Thorwald n’est pas un homme qui se laisse griser par la douceur de la victoire et l’argent qui afflue, bien au contraire, il continue à s’entraîner avec toujours autant de rigueur et de sérieux ce qui lui permit de conserver son titre en 1902 et 1903 puis de le reprendre en 1906, en 1908 et enfin une dernière fois en 1911 dix ans après son premier sacre. Second en 1904, 1905 et 1910, il sera encore sur la seconde marche du podium, à 36 ans en 1913, lors des derniers mondiaux d’avant la grande boucherie. Coureur très puissant, réputé loyal en course, Thorwald doit sa réussite et sa longévité à son sérieux et à son hygiène de vie. Dès son plus jeune âge, il est devenu un adepte de la gymnastique et il continuera tout au long de sa carrière à faire des exercices qui contribuèrent probablement à lui donner puissance, souplesse et tonicité nécessaires à ses succès. Thorwald est un homme chaleureux et sympathique mais dans sa préparation il est méthodique et rigoureux ne s’accordant que très rarement d’écart dans son régime et son entrainement. Ainsi deux jours après son mariage il affrontait le célèbre Major Taylor à Copenhague avant de reprendre le train  immédiatement après pour se rendre à Rome avec sa jeune épouse et il remporter brillamment les mondiaux. Connu et reconnu  il promène désormais sa moustache en forme de croc et son célèbre maillot quadrillé sur les pistes de France, de Hollande, d’Allemagne et du Danemark où il remporta le grand prix de Copenhague à 11 reprises. Il est maintenant surnommé l’étoile du nord et il participe également à des épreuves en Italie, en Russie, en Angleterre et même en Australie. Durant toute cette période Thorwald et sa femme qui est danoise comme lui, s’installent à Paris car cela lui permet de rayonner facilement sur tous les grands vélodromes européens. Il y réside pendant de nombreuses années et sa fille qui naquit dans la capitale française se prénomma France. Elle devint une très grande pianiste qui enregistra de nombreux disques classiques.

 

 

De 1896 à 1926, année où il mit enfin un terme à sa carrière, les spécialistes du cyclisme qui ont tenu une comptabilité des succès de Thorwald Ellegaard, considèrent qu’il a remporté la bagatelle de 715 victoires en vitesse, 133 dans les courses à handicap et 123 dans les épreuves en tandem associés à des coureurs de renom comme Willy Arendt, Charles Van den Born (3ème des mondiaux 1908) ou Walter Rüttenen (parfois orthographié Rütt champion du monde de vitesse en 1913). Thorvald estimait à la fin de sa carrière avoir participé à des courses sur plus de 200 pistes différentes dans le monde entier.
Toutes ces années faîtes de succès et d’argent ne furent pas hélas aussi heureuses que l’on puisse le penser pour Thorvald. En effet lors d’une tournée en Australie il eut la douleur terrible de perdre son jeune fils qui mourut accidentellement en tombant de la fenêtre de l’hôtel où la famille Ellegaard résidait.

 

La déclaration de guerre en 1914 sonna la fin de la carrière internationale de Thorvald alors âgé de 37 ans. Après guerre il renoua avec la compétition dans les épreuves danoises de moindre importance mais il resta, malgré les années, le maître incontesté du sprint dans son pays en s’imposant dans le championnat de vitesse sans discontinuer jusqu’en 1925. A ce propos les sources divergent et certains ne comptabilisent pas ces titres sous le prétexte que durant cette période Thorvald habitait Paris. Peut importe la réalité, le palmarès de Thorwald Ellegaard, avec ou sans ces dernières victoires, demeure immense A l’âge de 48 ans il réussit l’exploit de monter une dernière fois sur le podium du Grand Prix de Copenhague. C’est le 26 septembre 1926 sur le vélodrome d’Ordrup, pas très loin de la capitale du Danemark qu’il disputa sa dernière course.

 

 

 

 

 

 

 

Coureur puissant, passionné par son métier et apprécié pour sa loyauté par ses adversaires Thorwald Ellegaard a bâti tout au long de sa longue carrière un palmarès exceptionnel. Peut être plus encore que le Major Taylor dont nous avons évoqué la carrière fulgurante et brève lors d’une précédente chronique, il fut l’une des premières grandes stars de l’âge d’or de la piste. Au-delà de l’immense talent de Thorwald Ellegaard apparaît aussi l’intelligence d’un homme qui grâce à une hygiène de vie exemplaire et des entraînements rigoureux, a su trouver les clés pour vivre de sa passion et durer longtemps au plus haut niveau.

Chapeau Monsieur Ellegaard.

PALMARES

1898:   2ème du Championnat Europeén, Piste, 10 km,
2ème du Championnat Europeén de vitesse
3ème du Grand Prix de København (Copenhague)
1er du Championnat National, du Mile, Danemark
1er du Championnat du Danemark de vitesse,
1899:   1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse,

1900:   2ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse,
1901:   1er du Grand Prix de Paris, Sprint
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse,
1er du Championnat du Monde de vitesse

1902:   1er du Championnat Européen de vitesse,  
3ème du GP de Paris, vitesse
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse,
1er du Championnat du Monde de vitesse à Rome
1903:   1er du Championnat Européen de vitesse
1er du GP de l´UVF (Union Vélocipédique de France),
1er du Championnat du Danemark de vitesse
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Monde de vitesse, Copenhague

 

1904:   3ème du GP de Paris,
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse
2ème du Championnat du Monde de vitesse
1905:   1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse 1905
2ème du Championnat du Monde de vitesse, Antwerpen

1906:   1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse
1er du Championnat du Monde de vitesse

1907:   1er du GP de l´UVF,
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

1908:   1er du Championnat Europeén de vitesse
2ème du GP de l´UVF,
3ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse
1er du Championnat du Monde de vitesse
1909:   2ème du GP de l´UVF,
1er du Championnat du Danemark de vitesse
1910:   1er du Championnat Européen de vitesse
2ème du GP de l´UVF,
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse
2ème du Championnat du Monde de vitesse

1911:   2ème du GP de l´UVF
1er du GP de Paris,
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Monde de vitesse, Rome

1912:   1er du GP de l´UVF
2ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

1913:   3ème du GP de l´UVF
3ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse
2ème du Championnat du Monde de vitesse, Leipzig

1914:   2ème du GP de Paris,
1er du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

1919:   1er du Championnat du Danemark de vitesse

1920:   1er du Championnat du Danemark de vitesse

1921:   1er du Championnat du Danemark de vitesse

1922:   2ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

1923:   3ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

1924:   3ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

1925:   3ème du Grand Prix de Copenhague
1er du Championnat du Danemark de vitesse

Un article du New York Times relatant les exploits australiens de Thorwald

 

 

 

 

 

 

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