Le Petit Braquet
 
- Chronique n° 19 - Charles Mochet
 
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Charles Mochet

Coup de chapeau à

 

Charles MOCHET (1880 - 1934)

 

 

Nous entrons aujourd’hui dans une ère nouvelle, les problèmes de pollution et de circulation sont tels que tout doucement voitures et vélos réapprennent à cohabiter et à partager l’espace. Certes la route est encore longue mais après Lyon et maintenant Paris avec le service « Vélib », de nombreuses villes étudient le développement du deux roues afin de désengorger leur centre ville. L’homme dont je vais essayer de vous conter l’histoire devrait, au moins pour une de ses inventions, figurer parmi les pionniers de cette nouvelle démarche.

Charles Mochet, né en 1880 est un inventeur, passionné par tout ce qui roule ou vole et qui peut permettre à l’homme de se déplacer. Selon les propos de son fils, dès 1910 dans son atelier de Marseille il essaye de construire un aéroplane puis après avoir tenté de monter une affaire de transport au Maroc il s’installe finalement à Paris. A l’époque Charles Mochet se passionne pour les moteurs sans soupapes, c'est-à-dire des moteurs à chemises tournantes et à chambre de combustion conique. Les temps sont durs pour notre inventeur qui planche également sur la conception d’une voiturette. En 1923 son fils, alors âgé de 9 ans lui demande à maintes reprises un vélo. Charles et sa femme refusent d’abord par crainte des accidents puis Charles fait parler son génie et finalement construit à son fils un quadricycle caréné en allégeant les pièces de sa voiturette. Cet engin fonctionne avec des pédales à mouvement alternatif. Pour changer de vitesse il faut déplacer le point d'attache de la chaîne sur les manivelles et l'on peut ainsi grimper partout. On pédale alternativement mais on peut même appuyer sur les deux pédales à la fois, des ressorts de rappel les ramenant.

En 1925 Charles fabriqua un monoplace à son fils

M. Mochet s'aperçut rapidement qu'il y avait un véritable marché pour le Vélocar. En effet les années 20 sont dures pour le petit peuple, les automobiles étaient trop chères pour la plupart des gens, une voiture à pédales biplace pas plus coûteuse à entretenir que deux vélos constituait une alternative intéressante. Plus confortable, plus rapide qu’un tandem elle permettait même de transporter quelques bagages. Cette voiture à pédales avait quatre roues et une carrosserie très légère faite en contreplaqué puis en matériau d'aviation (le triplex). Elle fut d’abord équipée d’un guidon puis d’un volant et bientôt de trois vitesses. Vers 1930, la demande s'accrut et la voiture à pédales fut même utilisée comme "meneuse de train" lors de compétitions importantes. Le seul problème, était que ce quatres-roues ne négociait pas bien les virages et que les occupants ne pouvant se mettre en danseuse les montées s’avéraient vite très pénibles.

«  De mon côté,  j'étais très fier car j'allais plus vite que mes petits copains sur leur vélo. Ce résultat était attribué à la bonne position pour pédaler, mais il était surtout dû au bon aérodynamisme de la carrosserie » déclare Georges Mochet.

Laissons Georges nous raconter la suite de l’histoire des quadricycle Mochet : « Pour s'amuser, mon père avait construit aussi un deux places. Il fut vendu, alors on en fabriqua. Il s'en vendit un par semaine, puis un par jour. Comme c'était plus rentable, le cycle fut abandonné à titre provisoire, car on a ses ''dadas'' ou pas. Il a dû sortir de 1925 à 1950, près de 6000 de ces petits quadricycles à pédales.  »

 

  Cet engin fut baptisé Vélocar.

M. et Mme Charles Mochet au volant d'un vélocar biplace de 1925

Modèle de vélocar à pédales

Vélo torpille de 1913

La conception s’améliore avec le temps et Georges Mochet y installera même un dérailleur à 5 vitesses et comble du luxe une petite suspension (moins de 5 centimètres) sur l’essieu avant. Il crée différents modèles : une fourgonnette de livraison, une conduite intérieure et même une version familiale à 6 places. Vers les années 1940, un nombre de plus en plus important furent motorisés soit par des bricoleurs soit par des motoristes; certains furent électrifiés, surtout pendant l'occupation. A la fin de la guerre Le Vélocar dont le succès était avant tout du à des années difficiles, à l’absence de contraintes (pas de permis ni d’apprentissage nécessaires) et de charges financières liées à son utilisation (pas de moteur donc pas de taxe) passe de mode. Après la souffrance des années de guerre la situation matérielle s’améliore et chacun aspire à plus de confort et n’envisage plus de suer sang et eau pour promener sa petite famille le dimanche après midi. Le Vélocar est alors équipé d'un moteur monocylindrique de 100 cm3 qui le dispense du permis de conduire et du certificat des mines. Le pédalier côté passager est supprimé, celui côté conducteur est toutefois maintenu pour le démarrage et les côtes. Un frein a main a été rajouté, un réservoir d'essence placé à l'arrière du véhicule et le type H, c'est ainsi qu'il est dénommé, promène tout son petit monde à près de 25 km/h.. Ces véhicules mixtes, pédales et moteurs convenaient à une après-guerre pauvre en véhicules motorisés de toutes sortes. Les derniers, de 1957 à 1960 étaient de véritables petites voitures, les pédales étant abandonnées.

L’intérieur d’un Velocar à pédales

Revenons maintenant à la genèse du vélo horizontal dont l’évolution s’est faite en parallèle avec le développement des quadricycles. Le Vélocar est à l'époque , un quadricycle à pédales utilisable par deux cyclistes en position assises. Il possédait une carrosserie légère, pointue à l'avant et quand même assez enveloppante. Les comparaisons de vitesse avec un tandem étaient très favorables au Vélocar. Les Mochets et Alexandre Laurent le cousin de Georges se posèrent dès 1930 la question du pourquoi. Ils en arrivèrent à la conclusion que le point d'appui dans le dos du pilote permettait d'appuyer sur les pédales avec une force considérable, supérieure à celle d'un cycliste tirant de toutes ses forces sur le guidon. Ils décidèrent alors de construire un tricycle (2 roues avant, une à l’arrière) caréné. Les résultats ne furent finalement pas satisfaisant et Charles Mochet rompit la stabilité de son engin en s’engageant dans la construction d’un deux roues. Laissons à nouveau la parole à son fils Georges : « Une poutrelle presque horizontale et légèrement relevée à l'avant. Un petit coussin et un petit dossier. Aux deux bouts de la poutrelle, une roue de petit diamètre et la roue arrière mue par une longue chaîne. Et pour contrôler la roue avant, un long tube horizontal terminé en guidon plat. »

Par rapport au quadricycle l’engin se révéla très maniable dans les virages et grâce au concept du deux-roues le rendement apparut très vite comme nettement supérieur.

  Un des premiers Vélo Vélocar

« Avant de carrosser ce vélo, car ne l’oublions pas s’était l’objectif initial, il fut décidé d'apprendre au pilote à s'en servir et à essayer sa tenue sur piste : elle était parfaite. » Il était d'autre part évident que sa vitesse était nettement supérieure à celle d'une bicyclette classique car de nombreux coureurs tournaient en même temps qu'elle sur la piste et aucun ne pouvait suivre ce vélo… L'efficacité de ce vélo fit que fut momentanément suspendue l'idée d'une amélioration de la performance par carénage et qu'il fut décidé de battre officiellement les records cyclistes et de faire homologué les performances par les instances responsables.»

En référence à ses précédentes créations, il baptisa son invention le « Vélo Vélocar », aujourd’hui communément appelé Vélocar.

Durant l’année 1932 l’invention de Charles Mochet commence à faire parler d’elle dans le milieu du cyclisme parisien, car les essais effectués autour de l’hippodrome de Longchamp sont très positifs.

Écho des Sports du 13 Octobre 1932 : »Tous les journaux ont relaté l'exploit  accompli sur le Vélocar de course par un jeune inconnu chronométré par Degravine. Le tour de Longchamp en 4'55 et ce malgré la pluie. Comme ce même cycliste sur un vélo ordinaire effectua le tour en 5'50, il faut bien admettre que l'appareil de Charles Mochet est responsable de cette plus grande vitesse. »

Oscar Egg, recordman de l’heure depuis près de 20 ans (voir coup de chapeau n°1) et qui tenait à l’époque un magasin de cycles avenue de la grande armée sentit tout l’intérêt de cette nouvelle invention. Il comprît très vite qu’un coureur de talent pourrait le déposséder de son record avec un tel engin et trop vieux pour se remettre en selle, il imagina un engin qu’il pensait capable de rivaliser avec le Vélocar : le vélo – fusée. L’idée de renforcer l’aérodynamisme du vélo par une sorte de queue de pie n’était pas neuve comme en témoigne la photo ci dessous mais l’aérodynamisme n’en était qu’à ses balbutiements et les essais effectués ne furent pas concluants. Ils permirent néanmoins à Oscar Egg de se faire un bon coup de pub.

Convaincu de la supériorité de sa machine par rapport aux machines classiques, Charles Mochet décide de frapper un grand coup et il  interroge l’UVF (Union Vélocipédique Française) sur les conditions pour l’homologation de records cyclistes.

Selon Georges Mochet la réponse de l’UVF fut la suivante : ''Les machines de tous genres sont admises munies ou non d'accessoires tels que changements de vitesse, roue libre, etc... à conditions qu'elle ne fonctionne qu'avec la seule force de l'homme, qu'elle ne comprenne aucun dispositif destiné à diminué la résistance de l'air, et qu'elle n'offre pas un encombrement supérieur à 2 mètres en longueur et 0,75 mètres en largeur, pour les machines à 1 place et à 1 voie.'' La lettre se terminait ainsi: '' Ce règlements s'applique aussi bien pour les courses que pour les records.''

Fort de cette réponse encourageante il décide de recruter un coureur de talent pour atteindre son objectif.

Il choisit Francis Faure un bon pistard, spécialiste des six jours qui avait notamment remporté les six jours de Saint Etienne en 1930.

 

 

Titre acquis en 1927 (junior)

 

 

Après s’être longuement familiarisé et entraîné avec le Vélocar, Francis Faure commence à courir avec son nouvel engin sous les quolibets de ses adversaires. Au départ de la première course, les autres coureurs lui disent : "  Et Faure, tu dois être fatigué, pour te coucher pendant la course... Mais ils déchantent bien vite car Francis Faure gagne l’épreuve haut la main. Il s’ensuit de nombreuses autres victoires sur piste. Francis Faure est imbattable. Il gagne même des courses contre des groupes de 4 coureurs qui se relayent pour profiter de l’aspiration.

 

Francis à Arnhem en 1933.

18/02/1934 : Francis sur vélocar bat Lemoine et Plassat sur vélo traditionnel. C'est son frère Julien (le 3ème des 6 frères Faure) qui le soutient
18/02/1934 Faure semble faire souffrir son adversaire - On appréciera ici  la différence de position qui est frappante Hiver 33, Georges Mochet, Francis sur le vélocar tenu par son frère Julien et Charles Mochet

Très vite Charles Mochet et Francis Faure comprennent que le record de l’heure est à la portée de Francis et il décide de s’attaquer officiellement au record de l’heure le 7 juillet 1933.

Ainsi le vieux record de 44,247 kilomètres dans l’heure établi par Oscar Egg à Paris le 18.06.1914 était pulvérisé par Francis Faure et son Vélocar qui le 7 juillet 1933 couvrit 45,055 kilomètres en une heure. Dans le même temps Francis ramène dans l’escarcelle française de nombreux autres records  dont ceux des 10, 20, 30 et 50 km.

Coureur de vitesse plutôt que d’endurance c’est probablement sur le kilomètre que Francis Faure réalise sa meilleure performance le 9 août 33 en réussissant 1 minute 3'' 3/5 alors que le record du monde de Lucien Michard (voir le coup de chapeau que nous lui avons consacré) était de 1 m 6 sec 3/5 centièmes.

Après l’euphorie des performances vint le temps de l’homologation des records. L’UVF qui voyait d’un bon œil de nombreux records devenir français les valida sans difficulté mais au niveau de l’UCI il n’en fut pas de même. Les italiens qui perdaient les records de Binda sur 20 et 50 km et la Suisse qui perdaient le record de l’heure d’Oscar Egg avaient une opinion toute différente des français.

Un autre évènement allait, je crois, faire pencher la balance du mauvais coté pour la famille Mochet. En effet après l’échec du vélo fusée d’Oscar Egg c’est son vieux rival et néanmoins ami Marcel Berthet qui allait faire la une de l’actualité. Marcel Berthet alors âgé de 47 ans commercialise à l’époque les célèbres Selles Idéales et l’envie lui reprend de monter sur un vélo. Il fait appel à Marcel Riffard, aérodynamicien réputé, entres autres, pour les avions Caudron (mosquitos). Le nouveau prototype couvre cette fois intégralement la machine, jusqu'au bas des roues, par une forme en aile d'avion, surmontée d'une excroissance pour la tête du cycliste. La fourche était retournée et la roue avant était plus petite que l'arrière, comme le "Vélo-Torpille" de 1913. Le carénage était constitué de lamelles de bois d'épicéa et de magnolia  collées sur un moule en forme, (technique là aussi employée par l'aviation) et revêtu d'une toile. L'ensemble pesait 15 kg au total. Une porte latérale permettait de s'installer à l'intérieur et une ouverture frontale de voir à l'extérieur

Grace à ce fameux Vélodyne en position droite, Marcel Berthet établit encore un nouveau "record du monde" (meilleure performance mondiale dirions-nous aujourd'hui) de l'heure, en 48 km 600, le 9 septembre 1933 au Parc des Princes... record rapidement porté à 49 km 992 toujours sur le même engin, deux mois plus tard, sur le circuit de Montlhéry


Marcel Berthet coincé dans l’habitacle du Vélodyne


Le Vélodyne impressionnant de fluidité lors d’un de ses records

Avec le Vélodyne on entrait de plein pied dans ce qui allait devenir le VPH (véhicule à propulsion humaine) dont sont finalement beaucoup inspiré les vélo couché de compétition d’aujourd’hui.
La performance de Marcel Berthet a probablement été de trop dans toute cette histoire et l’UCI chargée d’homologuer le record de Faure puis les autres le 3 février 1934  allait finalement à une courte majorité refuser les records et trancher pour les règles que nous connaissons aujourd’hui. La logique de l’UCI est demeurée la même depuis cette date et Graeme Obree (voir le coup de chapeau que nous lui avons consacré) en a fait la triste expérience il y a quelques années.

Pour assurer sa défense Charles Mochet avait envoyé aux congressistes une lettre brillante qui montre bien l’opposition entre deux conceptions du cyclisme et je ne résiste pas à vous la livrer in extenso.

Lettre aux congressistes

D'ailleurs, que reproche-t-on à la nouvelle bicyclette ? Que le cycliste s'arc-boute sur son dossier ? Mais le cycliste ordinaire tire sur son guidon. Qu'il se profile en se renversant ? Mais le cycliste classique se profile en se couchant en avant.
 On a prétendu que ceux qui monteraient cette machine seraient avantagés. Mais dans un sport qui n'est pas uniquement athlétique, dans un sport où la machine joue son rôle, des progrès naissent et s'imposent chaque jour. N'est-ce pas naturel ? La bicyclette s'est allégée, le pneu a détrôné le plein, le boyau remplace le démontable, etc... Tout le monde en profite, et chacun est libre d'employer une bicyclette légère, des boyaux, un changement de vitesse, etc... De même chacun peut acheter, construire ou faire construire des bicyclettes à pédalage horizontal.
On a parlé d'établir une catégorie et des compétitions spéciales pour ces machines. Cette conception est injuste, car la compétition a été créée pour révéler à la fois le meilleur coureur et la meilleur machine. Placées dans une catégorie à part, il serait impossible aux bicyclettes à pédalage horizontal de manifester leur supériorité.
Du moment que la nouvelle bicyclette est conforme aux règlements de l'U.C.I., faites-lui son droit par l'application pure et simple de ces règlement. Toute autre solution serait contraire aux habitudes de ''fair play'' pratiquées dans le sport, et contraire à la simple logique.
Au surplus, l'élimination de la nouvelle bicyclette ne créerait-elle pas une situation quelque peu paradoxale, voire ridicule, en permettant l'attribution d'un titre: Champion de monde de vitesse par exemple, à celui d'entre deux cyclistes qui serait le moins rapide, pour l'unique et bizarre motif que sa bicyclette serait d'un model plus ancien et plus répandu que son concurrent.
Deux mots pour conclure: Ou bien la bicyclette horizontale est une erreur, sans avenir; dans ce cas, elle disparaîtra comme elle est venu et sera vite oubliée. Ou bien, au contraire, le hasard a voulu qu'elle représente un progrès, dont tous les cyclistes d'ailleurs, sont appelés à bénéficier. Dans ce dernier cas, j'en suis sûr, si petit que soit ce progrès, vous ne voudrez pas prendre la responsabilité d'empêcher sa manifestation.
 Dans cet espoir, je vous prie d'agréer, monsieur le Délégué, mes salutations empressés.


M. Charles Mochet

Voici les attendus de la décision de l’UCI tels qu’ils furent publiés dans l’organe officiel de l’UVF.

Journal de l'Union Vélocipédique de France du 7 Juin 1934, la nouvelle définition de la bicyclette

Suite du vote de l'Union cycliste internationale, conformément aux décisions du Congrès du 3 Février 1934, il est promulgué ce qui suit :

L'Article 2 du règlement des records du Monde sera rédigé ainsi;
Records réglementaires
Art.2 Les records du monde reconnus sont les suivants pour les trois catégories de records, à savoir
1 records sans entraîneurs
2 records avec entraîneurs humains
records avec entraîneurs mécaniques

Pour les records 1 et 2 les seules bicyclettes pouvant être utilisées sont celle définies à l'article 3 du règlement des courses.
Pour les records 3, les seules bicyclettes pouvant être utilisé sont celles définies à l'article 2, paragraphe C du règlement des Records du Monde...
On ne pourra reconnaître un record d'une distance inférieur à un tour de piste...
Il y a lieu d'ajouter au règlement des records, l'article suivant 
Records libres
Pour les records 1 et 2 les seules bicyclettes pouvant être utilisées sont celle définies à l'article 3 du règlement des courses.
Pour les records 3, les seules bicyclettes pouvant être utilisé sont celles définies à l'article 2, paragraphe C du règlement des Records du Monde...
On ne pourra reconnaître un record d'une distance inférieur à un tour de piste...

Il y a lieu d'ajouter au règlement des records, l'article suivant;
L'Article 3 du règlement des courses sera désormais rédigé comme suit:
Art 3: Les machines de tous genres sont admises munies ou non d'accessoires tels que changement de vitesse, roues libres, etc... à condition qu'elles fonctionnent par la seule force de l'homme, qu'elles ne comportent aucun dispositif destiné à diminuer la résistance à la pénétration dans l'air et qu'elles n'offrent pas un encombrement supérieur à 2 mètres en longueur et 75 cm en largeur pour les machines à deux roues et une place. 

Ces machines devront en outre répondre aux caractéristiques suivantes:

a) La distance entre l'axe du pédalier et le sol (E.B.) devra être de 24 cm au minimum et de 30 cm au maximum.

b) La distance entre les verticales passant par l'extrémité métallique du bec de la selle et l'axe du pédalier (A.B.) devra être égale ou supérieur à 12 cm.

c) La distance entre les verticales passant par l'axe du pédalier et l'axe de la roue avant (B.C.) devra être de 58 cm au minimum et de 75 cm au maximum.

d) La distance entre les verticales passant par l'axe du pédalier et l'axe de la roue AB (B.D.) devra être égale ou inférieure à 55 cm.

    Toute action propulsive circulaire, alternative ou quelconque déterminé parle moyen des mains est interdite. L'emploi d'écrans protecteurs, coupe-vents, fuselages ou tout autre moyen de diminuer la résistance à l'avancement, est interdit comme il est prescrit ci-dessus...''

Lors du même numéro du Journal de l'Union Vélocipédique de France du 7 Juin 1934 on trouvait hélas l’article suivant

M. Charles Mochet, le bon, l’affable et sportif ami de notre Fédération, auquel nous devons la bicyclette à pédalage horizontal, s’est éteint, aux premières heures de la matinées, dimanche . Nous le savions souffrant, mais nous nous refusions de croire à l’issue fatale.
Grand travailleur, chercheur infatigable, Mr Mochet se plaisait dans les conceptions nouvelles les plus hardies, bases de tout progrès. Il n’est plus. Pleurons-le.
Ses obsèques ont eu lieu mardi, au cimetière nouveau de Puteaux, à Nanterre, devant une veuve éplorée, un fils et un neveu qui ont juré de continuer l’œuvre inachevée de M. Charles Mochet, devant toute sa famille et une foule innombrable d’amis. Sur le cercueil, l’U.V.F. avait déposé une palme de bronze.
Nous renouvelons ici avec beaucoup d’émotion à Mme Mochet, à M. Georges Mochet, à son neveu et à sa famille du regretté disparu, nos très sincères condoléances.
M. Mochet était membre à vie de l’U.V.F.

Le décès de Charles Mochet et la non homologation du record de Francis Faure allaient pour longtemps sonner le glas du Vélocar et par la même du concept de vélo couché et celui ne trouva un regain de popularité qu’au début des années 70 en Amérique du Nord.


Le Vélocar dans la classique Paris-Vichy en 1934 - le Miroir des Sports

Bizarrerie de la réglementation l’UVF ne suivit pas immédiatement les décisions de l’UCI et pendant une période assez longue Francis Faure et les coureurs qui le souhaitaient purent continuer à s’aligner au départ de compétition cycliste dans la même catégorie que les vélos droit. Parfaitement utilisable sur route le vélocar connut une honnête carrière commerciale pour son confort et sa vitesse. De plus, grâce à quelques coureurs de second rang, il participa à des courses cyclistes professionnelles comme Paris-Roubaix et Paris-Limoges

Après l’interdiction du vélocar Francis Faure continua sa carrière de pistard et on le retrouve 5ème aux 6 jours de Sydney avec le Danois Erland Christensen en Décembre 1939. Il resta malgré tout très attaché au Vélocar qui avait finalement fait sa carrière et sa popularité et la même année il réussit même la meilleure performance mondiale en vélo caréné en atteignant 50.5 km dans l’heure sur Vélocar entièrement caréné.

Georges Mochet, qui a tout juste 20 ans au décès de son père, quitta l’école pour reprendre l’entreprise avec son cousin Alexandre  et sa mère. Georges développa les voiturettes à moteur initiée par son père tout en les perfectionnant au fil du temps pour en faire de véritables petites voitures finalement pas très éloignée de la 2 CV ou de la Fiat 500

Une voiturette version commerciale motorisée de la gamme Mochet

Roadster CM 125 Grand Luxe de 1952 carrossé par les Etablissements Ante

Hélas le décret du 28 août 1957 qui  prévoyait que les possesseurs du véhicule du plus de 49 cm3 devaient dorénavant être titulaire d’un permis de conduire condamna les voiturettes Mochet qui étaient équipées de moteur de 125 ou 175 cm3 leur permettant d’atteindre 70 km/h. Georges Mochet fut contraint de fermer son entreprise qui comptait alors une trentaine de salariés et il termina sa carrière comme ingénieur conseil dans une usine spécialisée dans la fabrication de matériel agricole mais jamais il ne renia sa passion pour les VPH Véhicule à Propulsion Humaine, Human Powered Vehicles en anglais. Les photos ci-dessous témoignent de cette passion toujours vive

Une voiturette version commerciale motorisée de la gamme Mochet

Roadster CM 125 Grand Luxe de 1952 carrossé par les Etablissements Ante

Avant de conclure ce très long coup de chapeau, je ne peux manquer d’évoquer, l’opposition toujours très présente entre vélo et vélo couché. Pour les fans de vélo couché et de VPH la décision prise par l’UCI en 1934 n’est semble t’il toujours pas digérée. Les sites de HPV que j’ai consulté sont en général de très bonne qualité mais ils ont à mon sens trop la tentation de se présenter comme des modernistes face à l’UCI, caricaturée comme une structure fermée, refusant tout progrès. Certes l’UCI, on l’a bien vu ces dernières années, sans doute par peur de dérive, est réfractaire aux innovations ergonomiques mais il faut bien une règle et je ne crois pas, malgré ce qu’en disent, les ardents défenseurs du VPH que sans les interdits de 1934 le VPH ait prit le dessus sur le vélo classique. Ce débat n’a, à mon sens, pas lieu d’être. Les VPH sont, il me semble, des engins complètement différents des bicyclettes classiques avec des qualités (confort, plus grande vitesse sur le plat, …) et des défauts (moindre adaptation à la montagne, absence de position danseuse…) qui les séparent nettement. Il y a autant de différence entre un HPV et un vélo de route qu’entre un VTT de descente et un vélo et pourtant il ne viendrait à personne l’idée d’opposer ces deux engins. Ils ont chacun leur place et des caractéristiques techniques précises liées à leur utilisation spécifique. C’est à mon sens en devenant une discipline à part entière que le HPV trouvera sa voie. Il ne se construira pas en opposition au vélo ni simplement sur le fait qu’il est beaucoup plus rapide qu’un vélo droit (le record de l’heure sur HPV caréné est de 84 km/heure). Pour vivre et se développer HPV devra s’inventer un autre avenir et suivre sa route.

Dans une période de renaissance du vélo comme moyen de transport, il était à mon sens important de rendre hommage à un génial précurseur. Alors chapeau à la famille Mochet. Chapeau à Charles pour ses inventions modestes mais géniales et chapeau à son fils Georges qui a brillamment repris le flambeau. Chapeau également à Francis Faure* qui a mené très haut le Vélocar.


Cépaduès éditions

Cet article est profondément inspiré de l’hommage à Charles Mochet diffusé par http://www.velorizontal.com/hommage_mochet.htm sur la base des mémoires de Georges Mochet son fils, sur des extraits d’un article de la revue « le randonneur » ainsi que sur des photos mises en ligne par la famille de Francis Faure - Francis Faure est décédé en décembre 1953 à Paris
http://www.france-hpv.org/

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 Auteur de l'article : Alain Rivolla