Le Petit Braquet
 
- Chronique n° 67 - Joanny Panel
 
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Joanny Panel

Coup de chapeau à

 

 

Joanny PANEL

 

Joanny Panel

Très vite, le véloce man s’est aperçu que, malgré sa grande maniabilité, sa bicyclette ne pouvait pas l’emmener partout où il le souhaitait. Avec un développement unique et un pignon fixe les côtes et les cols au-delà d’une pente que l’on peut qualifier de moyenne, n’étaient plus accessibles même aux pédaleurs les plus aguerris. Paul de Vivie alias Vélocio dont les analyses techniques sont toujours précises et argumentées, écrivait en novembre 1891 : « Un cycliste de force moyenne, convenablement entraîné, doit pouvoir gravir aisément sur sa machine les rampes jusqu’à 5 % en se contentant d’aller plus lentement à mesure que l’inclinaison s’accentue ; de 5 à 6 %, on bataille, au dessus de 6 % , il vaut mieux ne pas s’acharner à lutter ».

Ainsi cette liberté de se mouvoir et d’aller partout, au gré de ses envies, se trouvait limitée par un problème technique et bassement matériel. L’idée d’un changement de démultiplication pour répondre à cette problématique germa très vite dans l’esprit de cyclistes et de fabricants ingénieux. Le changement de vitesse constitue probablement une des innovations les plus importantes dans l’évolution de la bicyclette pourtant la gestation fut très longue. Les solutions proposées s’orientèrent dans de multiples directions qui se révélèrent pour la plupart peu pratiques et d’une fiabilité toute relative avant que n’apparaisse enfin ce qui sera le dérailleur moderne. Joanny Panel, dont nous allons ici évoquer le parcours, a fortement contribué par son inventivité et par les moyens qu’il mit en œuvre pour faire connaître son dérailleur à populariser le changement de vitesse auprès du plus grand nombre.

Si l’on en croit Raymond Henry (Vélocio, l’invention du cycle et le cyclotourisme) en 1895 à Paris au salon du cycle, quelques bicyclettes à changement de vitesse sont exposées par de petites marques peu connues. Parmi ces créateurs figurent un Milanais dont le nom deviendra par la suite immensément célèbre : Eduardo Bianchi. De nombreux systèmes sortent de l’imagination fertile de nombreux constructeurs mais aucun ne réussit à convaincre totalement les utilisateurs et à faire l’unanimité. Ce fut tout d’abord le retournement de roue : la roue arrière est munie de deux pignons ; un de chaque coté qui permettent, en s’arrêtant et en retournant la roue, de varier notablement le développement. Les tricycles de la marque Sparkbrook sont équipés de deux chaines, quatre pignons et un verrou qui, en enclenchant un coté, désactive l’autre. Des systèmes basés sur le rétropédalage virent également le jour durant les dernières années du 19ème siècle. De son côté Vélocio propose en 1896 un système symétrique qui comporte un plateau et un pignon de chaque côté du vélo. Dans ce dispositif, il n’y a qu’une seule chaine que l’on ouvre et que l’on referme grâce à un système de verrouillage qu’il a inventé. En 1901, il propose un autre système composé de deux jeux de plateau-pignon. Le plateau correspondant au grand braquet est débrayable grâce à un levier articulé sur la manivelle (« Paul de Vivie, dit Vélocio, l’évolution du cycle et le cyclotourisme ».  Raymond Henry)

 

 

On trouve également en 1903 un modèle de la marque la Gauloise muni de trois développements et de trois chaines…En ce début de siècle les systèmes se multiplient, on trouve par exemple des bicyclettes ayant trois vitesses dans le moyeu (système très répandu en Angleterre) et des Levocyclettes. Il s’agit de bicyclettes dont les pédales sont fixées à l’extrémité de leviers articulés à la boite de pédalier, l’utilisateur effectuant alors un mouvement alternatif montant et descendant avec les jambes. Pour les modèles les plus perfectionnés, la chaine peut s’installer rapidement en cinq emplacements différents ce qui donne donc cinq vitesses.

 

 

 

 

En 1906, Vélocio en combinant différents systèmes : moyeu trois vitesses et système rétro direct à quatre vitesses, montés avec deux pédaliers atteint le total de 24 vitesses sur sa machine.

La revue du Touring Club de France fait remonter l’invention du dérailleur à 1895, année où Jean Loubeyre conçoit le "Polycelere", premier vrai dérailleur, qui sera inscrit au catalogue de la Compagnie Générale des Cycles. Ce n’est que bien plus tard en 19 que le mot dérailleur sera réellement employé, on parle alors de changement de vitesse par transport de chaine ou de whippet, du nom du mécanisme inventé par un constructeur anglais. Cette première tentative trop en avance sur son temps par rapport à des machines à pignon fixe, sans frein et dotées de chaine sans souplesse, ne connut pas de développement industriel et retomba très vite dans l’oubli. Dans les années 1908 1909, les mécanismes de transport de chaine vont revenir en force sur le devant de la scène On trouve notamment le « balladeur-tendeur » P. d’A de Prevel d’Arlay (croquis ci-dessous) a trois vitesses.

 

 

 

 

 

 

 

 

D’une manière générale les changements de vitesse intéressent d’abord et avant tout les cyclotouristes. Les professionnels, pour la plupart n’y voient à l’époque aucun intérêt et ce n’est qu’à partir de 1910, ils se contentent de roues dotées d’un pignon de chaque coté, qu’ils retournent avec dextérité et rapidité quand le besoin s’en fait sentir. Chef d'œuvre de mécanique. Le fonctionnement d'un dérailleur est relativement simple. Mais pour fonctionner il nécessite le recours à la roue libre et une chaîne possédant une certaine souplesse latérale. Le principe du dérailleur est d'être un guide chaîne qui amène la chaîne en face du pignon ou de la couronne choisie.

Jean-Baptiste dit Joanny Panel est né le 13 novembre 1887 à Saint Paul en Jarez dans la Loire. Il débute sa carrière professionnelle dans les ateliers des établissements RPF (Rivolier Père et Fils), fabricant d'armes et cycles à Saint-Etienne. Il travaillera dans cette entreprise jusqu’en 1912. Dans le même temps il s’adonne également à la compétition dans la région stéphanoise. Passionné de mécanique, il devient l'ami de Vélocio et fait partie, dès 1909 et peut être même avant, de ce que l’on nommera plus tard l'Ecole Stéphanoise, où se regroupent autour de Vélocio, des cyclotouristes adeptes des grandes randonnées et des bicyclettes poly-multipliées. Bien que 34 ans les séparent, les deux hommes roulent ensemble comme en témoigne la sortie Saint Etienne, Col du Lautaret et retour qu’ils firent ensemble, les 19 et 20 juin 1910. (« Paul de Vivie, dit Vélocio, l’évolution du cycle et le cyclotourisme ».Raymond Henry). Comme son « maitre » Vélocio, Joanny Panel réfléchit sans cesse aux améliorations techniques qui pourraient être apportées à la bicyclette et gageons qu’entre eux et quelques autres passionnées, les discussions furent probablement riches et animées. S’inspirant des nombreux modèles existants désormais sur le marché, Joanny Panel et son ami Claudius Bouiller mettent au point un dérailleur dont il dépose le brevet le 20 janvier 1911. Dès 1912, Panel se lance à son compte et il commence à produire des dérailleurs mais également des pièces d’armes et de cycles dans ses locaux rue Voltaire à Saint Etienne. Il jonglera entre son activité naissante et son emploi chez RPF jusqu’à la fin de 1912. Les affaires démarrent plutôt bien et le 6 mars 1913, il dépose la marque de fabrique « le chemineau » pour une activité de fabrication de dérailleur et de bicyclettes complètes. L’emblème de la marque est une borne kilomètrique. Le terme "chemineau" désigne celui qui parcourt les chemins et qui vit de petites besognes, d'aumônes ou de larçins. Ce terme n'est plus utilisé aujourd'hui et il ne faut pas confondre avec le "cheminot" qui est l'employé des chemins de fer.

Comme nous l’avons évoqué un peu plus haut, il existait déjà des changements de vitesse par déraillement de chaîne avant Le Chemineau, mais Joanny Panel contribua vraiment à le développer hors du milieu restreint des cyclotouristes, grâce à une idée commerciale lumineuse. Il s'engage sur le Tour de France 1912, dans la catégorie "Isolés" (appelée plus tard "Touristes-routiers") avec une de ses bicyclettes équipée de son dérailleur. Panel a comprit qu’il lui fallait pour se faire connaître hors de Saint Etienne et du cercle restreint des cyclotouristes, il devait montrer la valeur de son invention dans la plus grande course du pays. Malheureusement il devra abandonner sur bris de cadre, suite à une collision avec un cycliste. Cette tentative est véritablement un coup de force. En effet Henri Desgranges, désormais directeur de « l’Auto » refuse obstinément de voir un quelconque avantage dans l’utilisation de changement de vitesse en course. Qualifiant la passion de Vélocio pour la multiplication de simple « dada », il met sa plume et beaucoup de mauvaise foi dans la bataille. Il est contre les changements de vitesse dont il ne voit pas l’intérêt mais il admet que les coureurs tournent leur roue pour changer de braquet. C’est Emile Georget qui a ouvert véritablement la voie en 1910, lors de l’étape du Ballon d’Alsace où son retournement de roue au pied du col lui permit de s’imposer brillamment. Ce qui gène le plus Desgranges et la plupart des professionnels c’est que sur leur machine de moins de 10 kilos mais avec au maximum deux vitesses ils sont contraints de faire de la marche à pied dès que le pourcentage est trop élevé et quand il est plus raisonnable ils ont parfois beaucoup de mal à lâcher des cyclotouristes qui sur des machines démultipliées montent tout en souplesse là où les coursiers pédalent comme des brutes épaisses.

Au départ du Tour 1912, les coureurs professionnels utilisent le rudimentaire retournement de roue. Dans la catégorie des isolés, on trouve des coureurs utilisant un changement de vitesse en marche et Henri Alavoine, le jeune frère de Jean prend pour la seconde fois le départ de la grande boucle pour faire la promotion du dérailleur P. d’A. Les objectifs de Joanny Panel sont clairs. Il souhaite qu’une bicyclette de voyage (de la marque le chemineau, bien évidemment) équipée d’un dérailleur arrière peut permettre à un cyclotouriste entraîné de faire le tour de France sans fatigue anormale. On ne le prend pas véritablement au sérieux et au départ, ils sont nombreux à se moquer de sa machine. C’est justement sur le vélo que Joanny Panel va faire taire ses détracteurs. Après un départ laborieux il améliore régulièrement son classement et se rapproche des dix premiers de sa catégorie mais hélas le sort allait en décider autrement. Victime d’une collision avec un autre cycliste son cadre est plié. La réparation de fortune qu’il réalise alors, n’est pas suffisante et le cadre rend l’âme lors de l’étape Belfort-Chamonix. Joanny Panel réussit à rafistoler sa machine une nouvelle fois, mais il parvient trop tard au contrôle de Chamonix et il est éliminé. Notre homme est têtu et persévérant, comme Vélocio son ami et maitre à penser. Il décide de tenter à nouveau sa chance en 1913. Les trois premières étapes se déroulent sans problème majeur pour Joanny Panel et pour sa machine mais tout va changer au soir de la 3ème étape quand Desgranges, qui se considère comme un grand seigneur omnipotent, décide de modifier le règlement de la course. Ne seront désormais plus autorisées que les machines dotées d’un pignon fixe. Ce triste retour en arrière, qui n’est au final qu’un coup bas de plus de la part de Desgranges pour exclure les machines à changement de vitesse en marche condamne le stéphanois. Panel qui n’a pas l’habitude du pignon fixe, perd de précieuses minutes dans les multiples côtes qui jalonnent cette quatrième étape reliant Brest à la Rochelle. Durant la nuit, Joanny Panel s’égare et il parvient au terme de l’étape hors délai. Comme d’autres coureurs qui connaissent la même mésaventure, notre courageux stéphanois va poursuivre et terminer son Tour de France en simple touriste. En 1914, Joanny Panel est à nouveau au départ de la grande boucle mais encore une fois il va jouer de malchance. Dès la première étape il est renversé par une moto. Sérieusement blessé au genou, il réussit malgré la douleur à terminer l’étape mais ne pouvant repartir il devra finalement abandonner. Face à une bicyclette de course à l’évolution figée par la rigidité d’esprit de Desgranges, qui rappelons le, par sa position de Directeur de l’Auto, le premier journal sportif français et son aura de créateur du Tour, a toute la presse sportive acquise à sa cause, les écrits de Vélocio et les tentatives de Panel ouvrent la voie. Tous deux pensent, avec raison, que l’introduction de la polymultiplication (les changements de vitesse en marche) dans le domaine de la compétition est la clé pour faire progresser la technique. Ce n’est pas pour satisfaire le cyclotouriste anonyme mais pour gagner de grandes courses que les fabricants sont prêts à investir dans la recherche des sommes importantes car ils savent bien que seules les grandes victoires peuvent être sources de retombées économiques notables.

Dans le même temps, Joanny Panel développe son activité et dès 1914 il vend des dérailleurs à des constructeurs locaux comme Fayolle et RPF (Rivolier père et fils) son ex employeur. Les affaires prospèrent et l’entreprise occupe désormais des locaux rue de la république à Saint Etienne. La première guerre mondiale n’est pas, bien évidemment, favorable au développement du cyclotourisme mais l’entreprise qui possède un réel savoir faire, continue à tourner et elle participe à l’effort de guerre en produisant des pièces pour l’armement. Selon Raymond Henry, Joanny Panel probablement mécontent du refus de Desgranges d’ouvrir le Tour aux bicyclettes à changement de vitesse en marche, lui aurait écrit un courrier pour tenter d’infléchir sa position. La réponse du directeur du Tour de France, que selon Raymond Henry, Joanny Panel aurait transmis à Vélocio ferme la porte à toute évolution technologique dans le domaine de la compétition. « Il faut, Cher Monsieur, vous rendre compte que le « Tour de France » est une épreuve sportive avant d’être une épreuve industrielle. C’est aux muscles des coureurs que nous faisons appel et il ne nous est pas possible de courir le risque d’une invention nouvelle qui donnerait à un coureur au détriment d’un autre, un avantage qui fausserait les résultats de la course ». Nous passerons ici sur les débats sans fin qui opposèrent les tenants de la multiplication aux partisans de la bicyclette de course classique notons simplement qu’il fallut beaucoup de temps pour qu’enfin la poly multiplication l’emporte enfin et on peut sérieusement se demander si par sa position rétrograde Desgranges n’a pas fortement ralenti l’évolution technique de la bicyclette. Ainsi la roue libre ne fut autorisée sur le Tour qu’en 1921 et ce n’est qu’en 1937 que les organisateurs du Tour de France acceptèrent l’utilisation du dérailleur. Un seul modèle fut homologué et par la même autorisé pour sauvegarder l’égalité des chances : le Super-Champion de l’ancien coureur cycliste Oscar Egg.

Dès 1919, il a adhéré à la chambre syndicale du cycle de Saint Etienne et il a fait l’acquisition de 3000 mètres carrés de terrain pour y faire construire une usine. En ce début des années 20, les affaires de Joanny Panel prospèrent. Le système du dérailleur, globalement plus sur et plus simple que ses concurrents, prend doucement l’ascendant sur les autres systèmes. Le chemineau est alors le meilleur produit sur le marché. En 1922, Panel dépose un autre brevet pour un tendeur automatique de chaine et il commence à vendre des dérailleurs à une autre marque locale très connue à l’époque, Royal Fabric avant d’ouvrir l’année suivante un magasin de vente de cycles et d’accessoires en centre ville de Saint Etienne.

En 1927 Panel crée les marques l’Izoard pour les dérailleurs et Rich’land pour le cycle et l’année suivante il s’ouvre sur l’étranger grâce à l’ancien coureur professionnel Antonio De Michiel (8ème du Tour de Lombardie 1919) qui devient concessionnaire des cycles « le chemineau » en Italie. Mais tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, l'entreprise souffre de la concurrence du dérailleur l'As, mis au point par le génial Claudius Bouillier et ensuite par le Cyclo, toujours mis au point par Bouillier mais pour le compte d’Albert Raymond, lui aussi un ancien des établissements RPF. Panel pensera toute sa vie qu’Albert Raymond n’a fait que copier son dérailleur et il lui en voudra beaucoup. Pourtant les deux appareils présentent de telles différences que la position de Panel parait peu défendable. En 1923, un autre concurrent redoutable fait son apparition quand Lucien Juy lance son dérailleur Simplex, premier système à parallélogramme articulé.

Le conflit entre les deux industriels Raymond et Panel, amis intimes de Vélocio atteint son paroxysme en cette année 1927 et Joanny Panel, par l’intermédiaire de son club « le chemineau-touriste » organise une grimpée du col du Grand Bois pour faire concurrence à la journée Vélocio organisée par Albert Raymond. Entre ses deux amis, Vélocio est très mal à l’aise et il fait son possible pour garder l’amitié des deux hommes. D’un côté le rassemblement cyclotouriste porte son nom et de l’autre il est Président d’honneur de l’épreuve organisée par Panel. La position n’est pas simple à tenir. A la mort de Vélocio en 1930, les deux ennemis intimes voulurent chacun de leur côté ériger une stèle à la mémoire de leur maître, au sommet du Col du Grand Bois, situé sur le territoire de la commune de Saint-Genest-Malifaux. Après bien des tractations entre les deux parties sur le texte rédigé en la mémoire de Paul de Vivie, la stèle fut inauguré le 22 mars 1931 en présence de l'épouse de Paul de Vivie et de son fils Edmond, des représentants du Touring-Club de France et de la Chambre Syndicale du Cycle. Le discours fut finalement lu par Joanny Panel, qui fit beaucoup pour sauvegarder la mémoire du fondateur de l'Ecole Stéphanoise notamment en éditant une série de cartes postales sur Vélocio.

Vers la fin des années 20 l’entreprise le Chemineau possède 25 employés et produit environ 4500 cycles par an, mais la situation est fragile. Joanny Panel se pose désormais beaucoup de question face à une concurrence de plus en plus présente et en fin communicant qu’il est, il décide, afin de promouvoir sa marque, et de relancer les ventes, de revenir dans le monde du cyclisme de compétition. Il a parmi ses ouvriers, le fils d’Antoine Faure, ancien coureur vainqueur d’une étape du Tour 1904. Cet homme, Benoit Faure que l’on surnomme la souris à cause de sa petite taille a déjà un joli palmarès à son actif : 2 Circuits de l’Allier, 1 Circuit du Forez, 4 étapes du Tour du Sud Est et surtout il a déjà couru et terminé le Tour dans la catégorie Touriste-Routier. Joanny Panel n’a jamais réussi à briller sur la Grande Boucle mais il sait que sa marque bénéficiera d’un formidable coup de projecteur si son coureur est capable de rivaliser avec les meilleurs sur certaines étapes. Avec Benoît Faure, on peut dire que Panel a eu du nez et qu’il a fait un très bon choix.

 

 

 

 

 

Benoit Faure va probablement satisfaire les espoirs de son employeur bien au-delà de ses espérances. En effet, à 29 ans c’est désormais un coureur qui arrive à maturité et ses résultats le prouvent. Vainqueur du Tour de France 1929 et 1930, dans la catégorie "Isolés" sous le maillot Le Chemineau, il fait jeu égal avec les meilleurs professionnels du moment : A Leducq, A Magne, F Pélissier, L Guerra, A Binda, M Dewaele... Il remporte la 13ème étape du Tour 1929, Cannes Nice et termine 8ème du Général en 1930 et 15ème en 1929.

 

 

 

 

 

 


Arrivée triomphale de Benoit Faure à Saint Etienne le 30 juillet 1929

Les sources divergent quand au soutien de la marque « le Chemineau » à Benoit Faure. Pour certains, la souris a couru de 1929 à 1934 pour la marque stéphanoise, pour d’autres et cela semble plus probable, Benoit Faure aurait en 1932 fait partie de l’équipe France Sport – Dunlop aux cotés d’Antonin Magne et de son frère Pierre. En 1933, on le retrouve au sein de l’équipe italienne Dei où il fait équipe avec Antonio Pesenti, vainqueur du Giro 1932. Il est par contre certain qu’en 1934, après une saison 1933 trop médiocre pour lui permettre de trouver une place dans une équipe structurée, Benoit Faure est revenu chercher un soutien auprès de Joanny Panel afin de relancer sa carrière. Cette année là, il apporta 3 victoires à la marque « le chemineau » dont le Tour de Corrèze.

 

 

 

 

Les bonnes années sont malheureusement terminées pour Joanny Panel qui se sépare de sa femme en 1934. Les problèmes financiers liés à cette séparation scellent la fin de l’équipe officielle de la marque. C’est le début de la fin malgré les tentatives de Joanny Panel de rebondir. En 1949, il présente sans grand succès un pédalo au salon de Paris et à peine deux ans plus tard il est rayé des listes de la chambre syndicale du cycle. Panel a compris qu’il devait redéployer son activité et il se lance comme beaucoup de ses concurrents dans le domaine du cycle dans la vente de cyclomoteur. Dès 1952 il vend un cyclomoteur à moteur Le Poulain et l’année suivante au salon de Paris il propose des cyclomoteurs à moteurs Briban ou Poulain.

 

 

 

 

 

En 1955 la marque le Chemineau propose à la vente des bicyclettes, des pédalos et des cyclomoteurs. Rien ne peut enrayer la chute et le 15 mars 1957 la création d’une société anonyme au capital de 500 000 francs ne change rien au déclin inéluctable de la marque. A 71 ans, Joanny Panel est désormais trop fatigué, il n’a plus le courage de se battre et le 29 janvier 1958 il jette définitivement l’éponge. Il cède la totalité de ses biens immobiliers, usines, bureaux, villa à la société Samet. Cette entreprise utilisera la raison commerciale « Le Chemineau Sa » pendant encore quelques années avant de disparaître, elle aussi emporté par les profondes mutations économiques qui marquent alors le paysage industriel français. Cyclotouriste, disciple de Vélocio au sein de l’Ecole Stéphanoise, Joanny Panel, est un personnage atypique dans le monde de la petite Reine. Il est probablement l’unique entrepreneur en activité à avoir pris à trois reprises le départ du Tour de France pour promouvoir son invention le dérailleur « le chemineau ». Par cet acte fort il peut être considéré comme l’un des artisans de la profonde mutation technique engendrée par le dérailleur. Pour Joanny Panel il n’y eut jamais d’un coté le cyclotourisme et de l’autre le cyclisme de compétition. Bien au contraire, en homme de communication, qu’il était, il a toujours pensé qu’un support publicitaire comme le Tour pouvait permettre aux entreprises du cycle d’investir dans la recherche technologique et que cela bénéficierait à tous les amoureux de la petite reine qu’ils s’agissent de professionnels ou du promeneur du dimanche…

Joanny Panel est décédé le 11 janvier 1970 à Touffailles, dans le Tarn et Garonne

Sauf mention particulière les photos présentées ici ont été réalisées par le petit braquet.

 

 

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